La nouvelle utopie refondatrice chère à Aimé Césaire est-elle encore d’actualité ? Lors de la rentrée politique du Parti progressiste martiniquais, le 5 octobre 2005, il y a 18 ans, il en appelait ses militants à imaginer "une nouvelle mystique, une nouvelle ambition et une nouvelle utopie refondatrice sur une base démocratique pour la Martinique".
Et de préciser : "Nous devons proposer aux Martiniquais une grande idée, une motivation : en bref, un projet de société". Fidèle à son mot d’ordre d’autonomie pour la nation martiniquaise, le PPM est alors au sommet. Les succès électoraux ne sont qu’un élément de la stratégie du parti, avertit son chef historique.
Le PPM et ses alliés sont à ce moment-là à la tête du Conseil régional, du Conseil général et d’une demi-douzaine de communes. Ils occupent en plus cinq des six sièges de parlementaires. Insuffisant, pour Césaire.
Définir un nouveau statut juridique
Il souhaite cheminer vers un nouveau statut juridique. "Les militants n’ont pas vocation à se contenter de la gestion des collectivités locales et à interpeller le gouvernement", estime-t-il. Et il avertit que briser le carcan suppose de s’en remettre, toujours et en toutes circonstances, au peuple souverain.
Il le répète quelques jours plus tard, le 28 octobre 2005, dans son discours de clôture du 13e congrès du parti. Il insiste sur la nécessaire pédagogie, par la répétition, pour convaincre chacun que le changement est impossible dans le dos du peuple.
Il insiste aussi sur la nécessité pour la Martinique de passer à une autre étape. Il estime que les idéologies ayant irrigué la pensée politique au 20e siècle ne sont plus de mise. Il importe de fabriquer un consensus sur trois piliers : la défense de l’identité, la lutte contre la misère et l’exclusion sociale et la solidarité avec la Caraïbe.
Vers une voie spécifique de notre développement
Aimé Césaire veut trouver un nouveau cadre de référence afin de concevoir une voie spécifique pour notre développement. Le marxiste qu’il est sait que l’action se nourrit de la théorie. Une conviction qui l’a amené, trois décennies auparavant, à quitter le Parti communiste français. Le 24 octobre 1956, voici 63 ans jour pour jour – décidément, le mois d’octobre lui est précieux – il rend publique sa lettre de démission à Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF.
Il y prétend que la doctrine communiste est inapte à saisir la complexité coloniale. Il précise bien qu’il ne remet pas en cause la pensée marxiste, mais la manière dont elle est appliquée. Il veut proposer une nouvelle forme d’action politique suscitant l’adhésion des classes sociales exploitées. Il fonde alors, dix-huit mois plus tard, le PPM à partir d’une sévère critique de l’assimilation qu’il avait pourtant ardemment souhaitée en 1946.
Une nouvelle rupture pour un homme qui ne se satisfaisait pas des combats gagnés, étant toujours disposé à remettre en cause les acquis de nos luttes collectives. Une attitude qui n’a pas toujours été comprise de son vivant, ni par la suite, d’ailleurs !