Chacun est conscient que la mesure ponctuelle d’annulation des taxes sur 7 000 produits alimentaires importés répond à une urgence sociale. En admettant que cette décision soit étendue aux 40 000 références disponibles dans les magasins, le problème de fond reste entier. A savoir orienter l’économie vers un rééquilibrage en faveur de la production locale.
Cette idée a été martelée à plusieurs reprises aussi bien par les députés présents aux tables rondes que par les représentants du secteur industriel. Ce nécessaire et salutaire rééquilibrage va prendre du temps, mais il est urgent d’y réfléchir sérieusement. Plusieurs économistes ne cessent de plaider pour que les pouvoirs publics offrent aux investisseurs les moyens financiers et légaux pour que les consommateurs puissent disposer des produits de qualité, en quantité et à bas prix.
La demande n’est pas satisfaite par nos producteurs
Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nos agriculteurs, pêcheurs, éleveurs, artisans et industriels ne parviennent pas à satisfaire la demande des consommateurs. Il n’y a pas suffisamment de fruits, de légumes, de viandes, de poissons, de produits agro-tranformés en dans nos magasins et dans nos marchés. Les chiffres sont là.
Les agriculteurs assurent environ 40 % de la consommation de légumes et 30 % de celle des fruits. Les éleveurs couvrent 17 % de nos besoins. Les aides européennes transitant par le fonds du POSEI sont majoritairement destinées à la filière de la banane d’exportation. Et ceci, au détriment de la production maraîchère et vivrière et de l’élevage. Comme d’habitude, d’ailleurs !
Les pêcheurs fournissent 1 200 tonnes de poissons et produits de la mer, soit 16% de la consommation. L’industrie pèse 6% dans le produit intérieur brut. La logique de la production de richesses ne caractérise pas notre économie. Selon l’INSEE, elle est tirée par la consommation. La production est secondaire par rapport à l’importation.
Notre économie tirée par la consommation
Nous ne produisons pas ce que nous consommons. Nous ne consommons pas ce que nous produisons. Cette logique est ancienne. Nous héritons d’un système pensé dans le but de satisfaire les besoins de marchés extérieurs. Hier, avec les épices, le tabac, le cacao, le café, l’indigo, le sucre. Aujourd’hui avec la banane.
Au fil du temps, cette logique s’est inversée. La modernisation des infrastructures et l’élévation du niveau de vie global de la population depuis l’instauration du département en 1946 nous ont fait entrer dans la logique de l’hyperconsommation.
Cette stratégie a été élaborée au début des années 1970 par l’Etat. Il a donné la possibilité à quelques opérateurs de se relancer après le déclin de l’industrie sucrière. Le commerce de gros et l’exportation de la banane ont pris le pas sur la production locale, au point de la faire péricliter.
Un nouveau modèle depuis un demi-siècle
Fort heureusement, le secteur industriel moderne balbutiant à cette époque a été sauvé grâce à une décision politique courageuse du Conseil général. En 1970, ses élus ont décidé de conférer à l’octroi de mer le rôle d’une mesure protectionniste afin de soutenir les investisseurs désireux de se lancer dans l’agro-alimentaire et la construction, notamment.
Comme il y a un demi-siècle, la crise actuelle offre à nos élus la possibilité de prendre des décisions politiques fortes pour privilégier nos producteurs. Par exemple, une réforme agraire. L’objectif est de répartir équitablement les terres cultivables pour donner un réel essor à l’agriculture nourricière. L’État a le pouvoir de l’enclencher si la collectivité territoriale et nos parlementaires l’exigent. À la condition qu’ils sachent parler d’une seule et même voix, au bénéfice de la population toute entière.