Salon de l'agriculture 2025 : quels sont les enjeux agricoles en Outre-mer ?

Alors que s'ouvre ce samedi le Salon international de l'agriculture à Paris, des enjeux demeurent concernant l'agriculture dans les territoires d'Outre-mer. Entre adaptation au changement climatique et reconstruction, le monde agricole ultramarin reste vivant et très dépendant de l'Hexagone.

Ce samedi s'ouvre le Salon international de l'agriculture à Paris. Un pavillon sera, comme à l'habitude, dédié aux produits d'Outre-mer. Des dizaines d'exposants vont faire le voyage depuis la Guadeloupe, la Nouvelle-Calédonie et même de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido. En première ligne face au changement climatique et à la cherté de la vie, les territoires d'Outre-mer présentent des enjeux agricoles immenses.

La souveraineté alimentaire, solution à la vie chère ? 

La souveraineté alimentaire à horizon 2030 était l'un des thèmes forts d'Emmanuel Macron lors de sa visite à La Réunion en 2019. Depuis, il n'a cessé de le répéter comme un mantra pour l'agriculture ultramarine. Le 13 mars 2024, une déléguée interministérielle à la souveraineté agricole des Outre-mer est nommée. Véronique Solère est donc devenue la première à occuper un tel poste et succède au délégué interministériel à la transformation agricole des Outre-mer.

Selon un rapport réalisé par la délégation Outre-mer de l'Assemblée nationale en 2022, entre 1995 et 2011, la dépendance des Outre-mer aux importations est passée de 54 % à 71 %. En 2022 par exemple, la Guyane dépend à 63 % de l'Hexagone pour les produits alimentaires. Un chiffre qui monte à 98 % pour Saint-Pierre et Miquelon.

Comment réduire ce taux de dépendance, pour que chaque territoire soit capable, dans une certaine mesure, de nourrir "par des aliments en quantité et en qualité suffisante" sa population, définit le Cirad, le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. 

Une dépendance qui joue un rôle important dans la cherté de la vie dans les territoires ultramarins. Selon l'Insee, en 2022, les prix restent supérieurs en Outre-mer par rapport à l'Hexagone, de 16 % pour la Guadeloupe, 14 % en Guyane et Martinique et 9 % à La Réunion. Plus particulièrement sur les denrées alimentaires, en Martinique, les prix sont 40 % plus élevés que dans l'Hexagone.

Au manque de diversité des cultures locales s'ajoute la situation de quasi-monopole des distributeurs alimentaires locaux. Une diversification des cultures permettrait un recul de certaines importations et donc la baisse de prix de certains aliments au minimum. "Une meilleure rotation des cultures au profit des cultures consommées localement contribuerait à la souveraineté alimentaire", préconise un rapport de 2023 sur le foncier agricole rédigé par la délégation sénatoriale aux Outre-mer. 

Autre enjeu sur ce point en Outre-mer : le foncier agricole. Un rapport cité plus haut évoquait :"Le dernier recensement agricole réalisé en 2020 révèle une évolution préoccupante pour les Outre-mer : la surface agricole utile (SAU) a encore continué à reculer depuis 2010 dans les DROM."

Reconstruire une agriculture à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie 

"Il n’y a plus rien !", lançait, lors de sa visite à Paris, Nourdine Dahalani, président de la caisse de Sécurité sociale de Mayotte. Après le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier, la quasi-totalité des exploitations agricoles mahoraises a été détruite. Manuel Valls a estimé à plus d'un milliard d'euros la reconstruction de Mayotte. Un chiffre qui devra accorder une grande part à l'agriculture.

Le parc équestre d'Hajangua a subi de lourds dégâts avec le passage du cyclone Chido

En Nouvelle-Calédonie également, l'heure est à la reconstruction et à la sauvegarde économique après les événements violents qui ont secoué l'archipel en mai 2024. Le projet de sauvegarde d'urgence a été mis en place depuis la fin de l'année 2024 et doit se poursuivre en 2025 pour la "survie du système économique et social de la Nouvelle-Calédonie", précise le gouvernement local. La seconde étape, le processus de "refondation", entend "définir une stratégie globale des filières d'avenir en soutenant notamment l'autonomie alimentaire et la filière maritime".  

L'Agence rurale, établissement public calédonien financé par les recettes fiscales du gouvernement local, a annoncé suspendre les aides "à l'agriculture et à la pêche" depuis le 1ᵉʳ janvier. "Dans le monde de l’agriculture et de la pêche, c’est double peine", estimait au moment de cette annonce le président de la chambre d'agriculture locale Jean-Christophe Niautou.  

L'adaptation nécessaire au changement climatique

Reconstruire oui, mais comment ? En première ligne face au changement climatique, les systèmes agricoles ultramarins doivent en permanence se réinventer pour ne pas subir les effets dramatiques des catastrophes naturelles, de plus en plus régulières. 

Des réseaux de professionnels se mettent en place, en Nouvelle-Calédonie notamment, pour envisager une agriculture plus innovante et "responsable". Une politique de "l'eau partagée" est par ailleurs en cours d'élaboration sur l'archipel. 

Depuis le cyclone Belal en janvier 2024, le cirque n’a pas connu de vrai épisode de pluies.

À La Réunion, une sécheresse secoue l'île depuis plusieurs semaines et les effets sur les agriculteurs commencent à se faire largement ressentir. L'eau reste une denrée nécessaire pour les exploitants agricoles mais elle se fait rare sur les hauteurs du cirque de Salazie. Malgré un point de captage installé en janvier par les autorités locales, certains agriculteurs estiment cette solution provisoire non adaptée à leurs besoins. La taille des ananas de Jérôme Arnaud a par exemple été réduite par trois, et en trois mois, le maraîcher estime déjà à plus de 13.000 euros les pertes sèches de son exploitation à la suite de cette sécheresse. 

Le rendez-vous annuel qui débute porte de Versailles à Paris ce samedi réunira des professionnels et des curieux de l'agriculture. L'occasion pour les agriculteurs ultramarins de valoriser leurs produits et de s'inspirer des autres initiatives régionales.