"Nous avons le droit de nous alimenter comme tous les consommateurs français puisqu’ils ont dit que la France est une et indivisible". Les propos du président du RPPRAC ont le mérite de la clarté. La revendication centrale du collectif visant à aligner les prix de tous les produits alimentaires sur la moyenne française part d’un principe légitime.
Ce principe est celui contenu dans la devise républicaine. Nul ne peut contester le droit à tout consommateur français de bénéficier de toutes les gammes de produits de consommation courante, à tout moment et à des prix raisonnables, quel que soit leur lieu de résidence.
Une revendication légitime et critiquée
Cette revendication suscite de vives critiques dans les milieux économiques. Il faudrait soutenir la production de richesses made in Martinique, au lieu de continuer à importer toute notre alimentation, répondent en chœur des dirigeants d’organisations professionnelles de l’agriculture et de l’industrie.
D’autres observateurs vont plus loin. Par exemple, Rodolphe Désiré, l’un des plus anciens partisans de l’autonomie politique et économique. Il déclare à nos confrères du magazine Antilla du 1er novembre 2024 : "En exigeant des prix alignés sur ceux de l’Hexagone, on se retrouve dans une logique d’assimilation totale que je veux croire inconsciente". Il craint que cette exigence nous mène vers une impasse.
Ces critiques sont justifiées, mais elles ne doivent évacuer une interrogation. Comment est-il encore possible de se battre contre la cherté de la vie, alors que cette lutte dure depuis plus d’un siècle ? La permanence de cette problématique surprend et agace.
La vie chère, une problématique ancienne
Des exemples ? En février 1900, c’est la première grande grève agricole du 20ème siècle, contre la misère. En 1922, Joseph Lagrosillière, le père du socialisme martiniquais, dénonce l’extrême pauvreté de la population qui ne parvient pas à se nourrir avec les marchandises arrivant par bateau, hors de prix.
En février 1935, les ouvriers agricoles déferlent en masse à Fort-de-France après la baisse de 20% de leurs maigres salaires ; c’est la fameuse "marche de la faim", qui dit bien son nom. En 1953, après six mois de grève, le cartel des fonctionnaires arrache la majoration des salaires de 40%, la prime dite de vie chère, qui dit bien son nom. N’oublions pas la crise de février-mars 2009.
En filigrane de ces combats, c’est d’égalité des droits dont il s’agit. C’est à se demander si les Martiniquais seront considérés un jour comme des citoyens français à part entière, ou s’ils resteront entièrement à part, selon l’expression consacrée. Une drôle de question, frisant l’insolence et fleurant l’archaïsme. Mais une drôle de question ô combien actuelle !