Assemblée de Martinique : l’amendement qui fâche et qui fait jurisprudence

Marie-France Toul, vice-présidente de l'Assemblée de Martinique.
Le rééquilibrage entre les deux instances principales de la Collectivité Territoriale de Martinique a été l’objet de débats intenses lors de la réunion plénière de l’Assemblée de Martinique, lundi 30 novembre et mardi 1er décembre 2020. Un thème pour la prochaine campagne électorale ?
A son insu, Marie-France Toul a déclenché une controverse juridico-politique en déposant un amendement à un rapport au ton habituel. La 2e vice-présidente de l’assemblée, par ailleurs membre de la direction du RDM de Claude Lise, a expliqué, à l’appui de son texte, qu’il est dorénavant souhaitable que les élus soient en mesure de rendre compte de la manière dont les actions et les décisions politiques de la CTM sont mises en application.

Tout a commencé avec le rapport présenté par la conseillère exécutive Marie-Hélène Léotin sur la validation d’une contribution financière de 25 000 euros accordée par l’Etat pour acheter des livres pour la Bibliothèque Schoelcher. A cette occasion, la vice-présidente a souhaité réaffirmer la prépondérance de l’assemblée sur le conseil exécutif pour signer des conventions dans le domaine de la politique éducative et culturelle.


Une initiative politique forte


Il s’agissait, dans son esprit, de rétablir un équilibre entre les deux pôles principaux de la Collectivité Territoriale de Martinique. Une mission impossible aujourd’hui, à l’entendre. Elle estime que les délégations données au président du conseil exécutif par l’assemblée ne sont pas totalement respectées. Alfred Marie-Jeanne n’informerait pas les élus des décisions prises en leur nom.

Marie-France Toul

Son initiative a suscité pas moins de quatre heures de débats heurtés. C’était lors de la première des deux journées de la dernière réunion plénière, lundi 30 novembre. Pour les uns, les élus doivent demeurer une force de proposition. Et par conséquent, regagner une place qu’ils n’auraient jamais dû perdre au profit du conseil exécutif. Une thèse défendue par les partisans de du député du sud Jean-Philippe Nilor, du chef de la droite Yan Monplaisir et d’une bonne partie des conseillers de l’opposition regroupée autour du PPM (Parti Progressiste Martiniquais).

Pour les autres, l’exécutif ne fait que jouer son rôle de moteur de la collectivité. Ses membres, son président en tête, prennent le soin de soumettre ses propositions à l’assemblée. A charge pour ses 51 élus de les valider ou de les amender. Une thèse défendue par les proches d’Alfred Marie-Jeanne. Ils mettent en avant le strict respect des prérogatives des deux instances, conformément à la loi du 27 juillet 2011 instaurant la CTM.


Un amendement qui en amène deux autres


L’amendement Toul a permis, le lendemain, de voter sur deux autres textes de la même inspiration. Jean-Philippe Nilor a pu faire avaliser une modification substantielle du montant des aides attribuées aux familles sinistrées après les intempéries de novembre 2020. Il est passé de 250 000 euros comme le souhaitait le président du conseil exécutif, à 1 million d’euros.

Puis, Louise Telle (proche du député Nilor), présidente de la commission de la Santé, a pu convaincre ses collègues de la nécessité de modifier les contours de la commission des financeurs. Cette instance composée des services sociaux de la CTM, de la Caisse générale de sécurité sociale et de la Caisse d’allocations familiales a pour objet de flécher les aides aux foyers dans le besoin.

Après plusieurs avertissements ces derniers mois, l’assemblée a rapatrié par devers elle certaines de ses délégations. Et comme il fallait s’y attendre, Alfred Marie-Jeanne a réaffirmé sa volonté de n’obéir à aucun "diktat".  Pour lui, "il ne faut pas confondre exécutif et exécutant".

Cet épisode laisse pendante une question. Qui doit diriger la CTM : son assemblée, son conseil exécutif ou les deux conjointement ? La prochaine campagne électorale devrait être l’occasion de clarifier la situation.