Des milliers de personnes ont manifesté à Fort-de-France samedi 27 février 2021, pour contester une éventuelle prescription dans le scandale du chlordécone. Quelle suite doit être donnée à cette mobilisation pour obtenir gain de cause ? C’est la question que se posent les collectifs.
Samedi 27 février 2021, plusieurs milliers de personnes ont défilé à Fort-de-France contre une éventuelle prescription dans le dossier des pesticides, comme l’ont laissé entendre deux juges parisiens. Pancartes et banderoles réclamaient encore une fois, le jugement "des coupables" et une "réparation" par l’État.
C’est aussi l’exigence de "Lyannaj Pou Dépolyé Matinik" (LPDM) une des nombreuses associations et collectifs lesquelles qui avaient appelé à manifester. Reste à savoir maintenant quelle suite doit être donnée à cette mobilisation populaire.
4 questions à Marie-Josée Sellaye, membre de LPDM
1. Que retenir de la mobilisation populaire du samedi 27 février 2021 ?
Plus de 2 ans à travailler à rassembler, à construire l’unité, et à obtenir l’adhésion du peuple. Ce fut un grand moment d’émotion, de fierté, de joie, de gaité, mais aussi de colère et de détermination.
2. Comment organiser et donner une suite efficiente à ce vent de protestation contre une éventuelle prescription dont pourrait être frappé le dossier chlordécone, et suivant quelles méthodes ?
L’unité demeure la colonne vertébrale de la suite de ce vent de protestation.
Nous devons la construire par la création d’une structure unitaire "Lyannaj Pou Dépolyé Matinik", pour ensuite élargir cette unité avec bien d’autres mouvements. Nous aurons besoin d’une implication réelle et dans la durée des toutes les équipes militantes.
"Internationaliser le problème"
Il nous faudra également, construire un accord solide et large sur les revendications en liaison avec la population, agir ensemble dans des actions de masse concertées, et internationaliser le problème comme LPDM a déjà commencé.
Et pour aller plus loin, voir avec les syndicats unis, la possibilité d'une grève générale pour nos exigences.
3. La réparation que votre association et les autres collectifs réclament à l’État, doit passer selon vous par quelles mesures concrètes et sous quelles formes doit-elle se décliner : via des politiques publiques (sociales, dérogatoires, administratives, d’investissements...) ou des moyens purement symboliques ?
Le plus haut responsable de l'Etat reconnaît "un aveuglement collectif et la part de responsabilité de l'Etat".
Le problème c'est qu'il n'en tire pas les conséquences en poursuivant les coupables et en prenant des mesures à la hauteur du problème. Nous voulons qu’il soit donné du sens au propos tenus par le Président de la République (en septembre 2018), que l’Etat nous indique clairement quelles plaintes il pense déposer !
Qu’il condamne les pollueurs au lieu de poursuivre les militants es-anti-chlordécone, qu’il instruise les plaintes déjà déposées. Que l’on ne nous parle pas de prescription...
Nous voulons pour en sortir, NÉGOCIER un plan qui implique l'État, avec un échéancier clairement établi, des sommes plus conséquences que celles annoncées, l’obligation que les pollueurs paient, et la mise en place d’une gouvernance partagée avec les collectivités et ce, sous le contrôle du mouvement social.
"Des moyens financiers et techniques"
Ce plan permettrait une mise à disposition des terres en friches en vue d’une agriculture nourricière saine sur place, l’accompagnement véritable (ce qui va plus loin que l’attribution de subventions) des agriculteurs et des marins-pêcheurs à la reconversion pour de nouvelles pratiques...
Il permettrait aussi une compensation pour les frais supplémentaires à engager du fait de la modification de leur activité de pêche et d’agriculture, des moyens financiers et techniques pour cultiver sur les terres contaminées et en hors-sol avec de la terre non polluée, la création d’un observatoire coordinateur indépendant zéro pesticide et zéro chlordécone, comprenant experts et citoyens avec la mission d’évaluer les effets des pesticides dans tous les domaines, et des politiques de prévention et de réparation.
4. Quel est le regard de "Lyannaj Pou Dépolyé Matinik" sur les actions radicales conduites par des activistes Rouge-Vert-Noir sur certains sites privés ?...Craignez-vous que ces agissements desservent la cause ?
Nous n’avons pas à juger ces actions, nous nous concentrons sur nos propres actions. Les attitudes radicales sont causées par l’attitude très radicale d’un État qui n’entend rien.
À l’issue du défilé de samedi dernier (27 février 2021), des attentes ont été exprimées lors de prises de parole, sur la Place de la Savane foyalaise et au micro de la journaliste Christine Cupit, par des anonymes en particulier.
"On n’acceptera pas qu’il y ait un non-lieu".
"Pour défendre nos droits et ceux de la génération de demain".
"C’est clairement inadmissible, cela fait des années que cela dur".
"Nous avons des preuves des cancers…il n’est pas normal que cela reste impunie".
Lundi 1er mars 2021, associations, collectifs et syndicalistes se sont retrouvés à Fort-de-France dans la soirée (à la maison des syndicats), afin de faire le point sur la suite qui sera effectivement donnée à la manifestation qui s'est déroulée deux jours auparavant.
Pour Christian Dachir, autre représentant du "Lyannaj Pou Dépolyé Matinik", "l'État doit tenir compte de la mobilisation massive de la population".
Nous allons analyser l'expression populaire du samedi 27 février 2021 et ensuite, une cellule va travailler comme pour l'organisation du défilé, sur les nouvelles modalités d'un second mouvement, selon la réaction de l'Etat vis à vis de la manifestation à laquelle on vient d'assister.
Si on nous dit qu'on n'ira pas vers un non-lieu et qu'on se dirige vers un procès, le mouvement ne va pas s'amplifier.
Dans le cas contraire, la mobilisation ira crescendo.
L'État doit tenir compte de la mobilisation massive de la population.
(Re)voir le reportage de Dominique Legros et Marc-François Calmo.