Le 16 août 2005, 152 Martiniquais (et 8 membres d'équipage Colombiens) ont perdu la vie lors d’un crash aérien entre le Panama et le Venezuela. 18 ans plus tard, les causes précises de la seconde catastrophe humaine majeure qu’a vécue l’île après l’éruption de la Montagne Pelée (en 1902), restent encore une énigme pour les familles des victimes.
Le 25 avril 2023, la Cour d'appel de Fort-de-France a confirmé le non-lieu prononcé en première instance, de quoi raviver la douleur des proches, d'autant que des questions restent à ce jour sans réponses plausibles.
Marie Rose Taupin Pélican, la présidente de l’AVCA, ne baisse pas les bras pour autant, convaincue que la vérité éclatera un jour ou l’autre.
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Où en est le dossier 18 ans après ?
"18 ans après, malgré toutes les belles promesses qu'on nous avait faites, la décision de non-lieu a été confirmée le 25 avril 2023 par la Cour d’appel de Fort-de-France, ce qui revient à dire qu'il n'y a ni responsables, ni coupables à juger".
"Il y a trop de manquements dans ce dossier"
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Vous avez toujours la conviction qu’on veut faire porter le chapeau aux pilotes dans ce dossier ?
"En effet, cette enquête à charge contre les pilotes n'a pas cessé d'accabler ces derniers et, vu qu'ils sont morts, la procédure est supposée s'arrêter là. Bien évidemment, nous familles des victimes, nous ne pouvons accepter un tel pied de nez à la vérité. Nous continuons à affirmer haut et fort qu'il y a trop de manquements dans ce dossier. Il y a des fautes qui ont été commises, il y a une chaîne de responsabilités, le premier maillon de cette chaîne étant l'État lui-même".
"Les tribunaux français ne veulent pas reconnaître l'implication de l'État français"
"En effet, tout commence par un droit de trafic octroyé de la manière la plus laxiste qui soit à une compagnie au bord de la faillite, avec une culture de la sécurité a minima et mêlée au narcotrafic. Si la DGAC française avait pris le temps de contrôler, la West Caribbean ne serait pas venue en Martinique et nos 152 compatriotes n'auraient pas embarqué dans un cercueil volant. C'est pour cela que la vérité peine à sortir parce que les tribunaux français ne veulent pas reconnaître l'implication de l'État français. C'est aussi simple que cela".
"Rappelez-vous que lorsque l'on a tenté d'accuser l'agence Globetrotter, ses dirigeants n'ont pas manqué de faire observer que ce n'était pas l'agence qui délivrait les autorisations. Ce n'est pas faux mais cela ne dédouane pas pour autant cette agence de voyages qui a participé au drame en ayant choisi cette compagnie pourrie qu'elle savait en grande difficulté".
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La prochaine étape judiciaire, doit se jouer devant la Cour de cassation : qu’en attendez-vous et avez-vous les moyens financiers de saisir cette juridiction ?
"Notre seule inquiétude... l'aspect financier"
"Quoi qu'il en soit, l'AVCA n'en restera pas là. Nous avons d'ores et déjà fait nos pourvois en cassation, et attendons de cette instance qu'elle casse le jugement inique de la cour d'appel de Fort-de-France. C'est vrai que la Cour de cassation ne se prononce pas sur les faits mais nous pensons qu'elle relèvera les nombreux manquements à la règle de droit. Notre seule inquiétude, c'est en effet l'aspect financier puisque 18 ans après, nous sommes tributaires des aides que l'on veut bien nous apporter, mais nous gardons espoir, sachant combien cette cause est noble et juste".
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Comment supportez-vous au fond, du point de vue émotionnel, ces épisodes successifs de déceptions en déceptions ?
"Pour ce qui me concerne, je ne baisserai jamais les bras ; c'est une promesse que j'ai faite. Même si parfois j'ai le sentiment que la tâche pèse trop lourd, je repense à mes proches et cette citation de Malcom X me revient : "Tant que vous êtes dans votre bon droit, dans le cadre de la loi, en accord avec votre morale et la justice, mourrez pour ce en quoi vous croyez""
(Entretien accordé le 15 août 2023 par Rose-Marie Taupin Pélican, présidente de l’AVCA)