"Il est temps d’écouter les jeunes avant qu’il ne soit trop tard". C'est le message délivré dans une lettre ouverte à tous les postulants pour la CTM, par l'association FTJM. Objectif pour son représentant, Laurent Cypria : susciter l’échange "sur des projets concrets".
Le Forum Territorial de la Jeunesse Martiniquaise (ex Association Lajénès Anou pran Douvan) profite de la période électorale, afin d’interpeller tous les candidats sur des problématiques qui lui tiennent à cœur.
Dans sa lettre ouverte daté du 10 mai 2021, le FTJM dresse d’abord un constat sans fard chez beaucoup de jeunes, gagnés par l’envie d’aller se réaliser ailleurs.
Avez-vous eu l’occasion de plonger votre regard dans celui de ceux qui partent ? Ils sont si jeunes, si nombreux, si résignés et si déçus de vous tous (…). Le départ a un arrière-goût de désillusion et de déception.
Dans leur exil, ils emportent parfois "l’idée que rien en Martinique n’a changé, ni ne changera" observe l’association.
Dans son diagnostic, elle va plus loin en déplorant "une recrudescence de KPN (coucher pour obtenir), les réseaux de proxénétisme et les monopoles héréditaires qui étouffent toute tentative d’initiative" du point de vue économique. En outre, le FTJM regrette que "partout, la jalousie et le mépris "tuent" plus que le chlordécone".
Haro sur les réseaux sociaux
Loin de leur pays, toutes les "bonnes" raisons de ne pas revenir sont fournies à chaque heure du jour et de la nuit par les réseaux sociaux, et par le coup de fil hebdomadaire aux parents.
Avec une pointe d’ironie, le Forum Territorial de la Jeunesse Martiniquaise affirme que les jeunes qui rentrent de vacances au pays, "n’apportent en général que trois bonnes nouvelles par an : les préparatifs du carnaval, l’effervescence du tour des yoles, et le retour du jambon de Noël".
Mais qu’on ne s’y trompe pas, car l’heure n’est pas à la plaisanterie pour le FTJM. C’est pour cela qu’il a décidé de saisir l’opportunité que lui offrent les élections territoriales, pour renvoyer les élus d’hier et d’aujourd’hui à leurs responsabilités.
A grand renfort de presse distribuée dans toute la Martinique, un bilan synthétique et sous forme de dépliants jaunes, dresse un constat bien verni de l’action de la CTM (…). Pour autant, les jeunes martiniquais n’ont aucune raison de sabrer le champagne (…).
"Absence de politique publique" pour la jeunesse
En 2014, à sa création, l’association soulevait les incohérences ou l’absence de politiques publiques territoriales de jeunesse qui nous menait déjà vers le mur.
A cette époque, et comme un symptôme de la fièvre à venir, la dissolution de l’Université des Antilles-Guyane nous préoccupait déjà.
L’association a déjà rédigé un "livre blanc de la jeunesse" contenant 35 initiatives en faveur de cette population. 500 exemplaires ont été distribués à tous les élus.
Un seul projet a émergé parmi ces propositions selon le FTJM : "L'ADOM inversé" qui est devenu depuis "Allé Viré". Pour autant, et sans jamais renoncer, nous souhaitons co-construire avec vous qui sollicitez les suffrages des Martiniquais, car bon gré mal gré, rien ne peut se faire sans nous, soulignent les membres du Forum.
"La société est de plus en plus clivée"
Cette mandature qui s’achève a connu les plus importants phénomènes de violence urbaines observés depuis des années (…).
Les tensions sont à leur paroxysme, et la jeunesse, comme tous les segments de la société martiniquaise, est au bord de l’insurrection.
La société est de plus en plus clivée, et ceux qui en payent le plus lourd tribut sont encore une fois les jeunes (…).
Ayant renoncé, dans notre charte des valeurs, à toute forme de violence, notre association se destine à être une plateforme de projets et un centre de ressources pour les politiques jeunesses.
Fort de tous ces constats, le Forum Territorial de la Jeunesse Martiniquaise avance plusieurs propositions à l’attention des élus, telles que :
- La constitution d’un deuxième Conseil Consultatif de la CTM réservé aux jeunes ;
- La définition d’un plan jeunesse élaboré en concertation avec le Conseil Consultatif de la Jeunesse Martiniquaise et l’ensemble des associations de jeunes intéressés ;
- La mise en œuvre d’un organisme pour la promotion et le développement de projets de coopération européenne et régionale, afin de pérenniser les actions qui offrent de réelles opportunités à la jeunesse (emplois, échanges, sport, études, risques majeurs et solidarité internationale…) ;
- La constitution d’une commission mixte d’experts et de juristes locaux et internationaux autour de la question de la vérité historique et de la réconciliation du peuple martiniquais.
Nous croyons, en effet, qu’aucune politique publique aussi innovante soit-elle, ne peut réussir dans la situation de tension ethnique qui bloque toute possibilité de progrès et de vivre ensemble.
L’association dit avoir encore plusieurs propositions à mettre sur la table des politiques, car "depuis trop longtemps la voix de la jeunesse est rabaissée et ignorée. Il est maintenant temps qu’elle soit valorisée" conclu le Forum Territorial de la Jeunesse Martiniquaise, sous la plume de son président, Laurent Cypria.