Comme chaque année, les forces armées aux Antilles ont célébré le 8 mai 2023, la victoire des alliées sur l'Allemagne nazie, marquant la fin de la seconde guerre mondiale en Europe (le 8 mai 1945). Plusieurs anciens combattants de Martinique ont perdu la vie sur les champs de batailles, en repoussant les ennemis.
Mais depuis quelques temps, des inconnus s’emploient à saccager des monuments aux morts dans plusieurs communes, comme pour occulter cette page de l’histoire de France, dans laquelle d’anciens combattants martiniquais comme d’autres ultramarins se sont illustrés.
Sabine Andrivon-Milton est spécialiste en histoire militaire. Pour l’historienne martiniquaise, l’armistice du 8 mai "a aussi son importance", au même titre que le triste anniversaire de la catastrophe volcanique du 8 mai 1902 à Saint-Pierre. Elle s’en explique dans une tribune accordée à notre site.
8 mai 2023, la Martinique commémore un triple événement : l’éruption de la montagne Pelée, la signature de l’armistice qui mit fin à six années de guerre en Europe et la renaissance officielle de la ville de Saint-Pierre. Deux de ces événements ont concerné et concernent encore la population car d’une manière ou d’une autre, nos ancêtres ont connu ou vécu ces faits qui ont construit notre histoire actuelle et ont laissé des stigmates en Martinique et dans la société martiniquaise.
Sabine Andrivon-Milton
1902 : Saint-Pierre "rayée de la carte"
La ville de Saint-Pierre s’est relevée de ses cendres mais les ruines sont encore présentes pour rappeler aux visiteurs que malgré la douleur, la vie a repris son cours. Cette ville qui avait été rayée de la carte et qui avait disparu des effectifs des villes de la Martinique et de la France a réussi à se reconstruire grâce à la volonté des hommes qui n’ont pas oublié combien cet ancien chef-lieu était chargé d’histoire.
S. A-M
39-45 : "les Martiniquais ont pris part à la résistance"
L’armistice du 8 mai a aussi son importance pour la population martiniquaise qui a donné ses fils à la Seconde Guerre mondiale. Les Martiniquais ont pris part à la résistance et aux différents combats menés par les alliés pour chasser l’ennemi nazi du territoire. En effet, de jeunes hommes n’ont pas hésité à braver l’autorité de l’amiral Robert pour rejoindre les colonies anglaises et les FFL (Forces Françaises Libres) et sont devenus des dissidents du BMA1. A Balata, Tourtet s’est rebellé. Avec ses hommes, ils ont chassé l’amiral Robert et ont rejeté en bloc la Révolution Nationale imposée par Vichy et le Maréchal Pétain. Les hommes de Tourtet ont formé le BMA5 et ont rejoint aussi le front.
S. A-M
"Les monuments aux morts (…) il convient de les respecter"
Cette histoire singulière de nos populations parties se battre pour empêcher les nazis de se répandre en Europe et dans les colonies mérite d’être transmise aux générations afin de leur montrer la force de l’engagement d’un peuple. Ces hommes méritent aussi qu’on se souvienne d’eux et nous devons honorer ceux qui ont péri au cours des guerres. Pour l’heure, les monuments aux morts sont là pour rappeler aux administrés que la ville a perdu des hommes, que les familles ont souffert de la perte des leurs et que l’Histoire ne doit pas les oublier. Ces monuments aux morts payés par les Martiniquais pour les Martiniquais ont été pendant des années des lieux de recueillement pour les familles. Il convient alors de les respecter et de ne pas les détruire.
S. A-M
"Nous devons être cohérents"
Notre société vit en ce moment des périodes de remise en question de son histoire mais nous ne devons surtout pas nous tromper de cibles et rejeter en bloc ce qui nous dérange actuellement sans tenir compte du contexte dans lequel nos ancêtres ont fait des choix. Nous devons être cohérents dans nos démarches et surtout respecter la mémoire des anciens.
Sabine Andrivon-Milton - historienne
Après le déboulonnage de plusieurs statues, la "cancel culture" née aux Etats-Unis, serait-elle en train d’infuser dans l’île ? Sinon, quelle est la motivation réelle des vandales s’interroge une partie de l’opinion ?
Dans une stratégie de destruction, le "woke", ou "cancel culture", "tente de modifier le sens des mots et de réécrire l’histoire" observe l’Institut Français de Psychanalyse.
L'égalité se voit progressivement remplacée par l'égalitarisme, qui est un processus infini qui tend à uniformiser, à écrêter toute différence. Ce processus se déploie d'autant plus facilement dans un contexte de relativisme et où les autorités sont affaiblies, et où règne l'horizontalité dans les réseaux sociaux. Cette perversion des idées, des concepts, est une falsification de nature à provoquer, libérer et autoriser l'expression des haines.
L’Institut Français de Psychanalyse