Que faut-il retenir de la vie et de l’œuvre du Professeur Jean Bernabé ? Essentiellement, sa contribution déterminante aux études scientifique sur la grammaire de la langue créole. Il a inventé en 1975 un système d’orthographe adopté dans la plupart des pays créolophones. Il a su rassembler autour de lui une vaillante équipe d’enseignants-chercheurs au sein de l’Université des Antilles et de la Guyane, le Groupe d'Études et de Recherches en Espace Créole (GEREC). Ce laboratoire a rapidement obtenu une reconnaissance certaine là où la langue créole est mise en valeur.
Le Professeur Bernabé a été une référence universitaire internationale. Il aurait pu s’en aller, alors qu’il a été sollicité en maintes occasions, exercer sous d’autres cieux. Il a préféré demeurer ensouché en son université, contribuant par ce geste presque militant à la bonne réputation de cet établissement.
Nul n’est prophète en son pays
Ceci posé, rappelons que les efforts du créoliste n’ont guère été couronnés de succès hors du cercle universitaire. Inlassablement, affichant en permanence ce sourire de celui qui sait et qui souhaite encore apprendre tout en transmettant ce qu’il a appris, il a voulu démontrer l’originalité de "notre langue co-maternelle". Jean Bernabé a subi la règle d’airain voulant que nul n’est prophète en son pays.
Peu importe ! Il aura été ce passeur qui a su rendre un hommage aux peuples créolophones en illustrant leur vitalité. Sa motivation première résidait dans sa méticulosité à rendre intelligible une langue et une culture. Le chercheur scientifique à la rigueur parfois rugueuse mais jamais dissuasive savait aussi laisser son imagination divaguer sur des routes insoupçonnées. Il a publié quatre romans dont les intrigues sont puisées d'histoires dans le réel martiniquais.
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Un intellectuel engagé au service de son pays
L’inventeur de mots a poursuivi en parallèle sa tâche d’intellectuel. Un de ses confrères, le Professeur Raphaël Confiant, a dit de lui qu’il est "un très grand penseur martiniquais". Parler de son pays ne signifie pas y rester confiné. Dans le dernier essai de Jean Bernabé, La dérive identitariste, il expose que la notion d’identité doit être attachée à un individu, et non à une communauté. L’identité collective n’existe pas, selon lui. Ce qui n’exclut pas la singularité de tel ou tel peuple.
Une position à rebours de la tendance au repli sur soi observée ici et là, en Europe notamment. Cet éveilleur de conscience nous a permis de comprendre que le monde créole constitue une civilisation. Et s’il avait raison, an final di kont ?
👉🏾 Lire et (re) lire Jean Bernabé
Essais
Fondas kréyòl-la. Grammaire créole, Editions L’Harmattan, 1983
Fondal-natal. Grammaire basilectale approchée des créoles guadeloupéen et martiniquais, Editions L’Harmattan, 1983
Éloge de la créolité, en collaboration avec Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Editions Gallimard, 1989
La fable créole, Editions Ibis Rouge, 2001
La graphie créole, Editions Ibis Rouge, 2001
Précis de syntaxe créole, Editions Ibis Rouge et Presses universitaires créoles, 2003
Obidjoul. Approche écologique et cognitive au service du mieux lire-écrire le créole, Editions Le Teneur, 2013
Prolégomènes à une charte des créoles, K Editions, 2013
Approche cognitive du créole martiniquais, Ramboulzay (Révolution I), Editions L’Harmattan, 2015
La France, pays de race blanche. Réponse à Madame Nadine Morano, Editions L’Harmattan, 2015
La dérive identitariste, Editions L’Harmattan, 2016
Œuvres de fiction
Matinoia, oratorio dramatique en créole, revue Europe n°612, 1980
Le Bailleur d’étincelle, roman, Editions Ecriture, 2002
Partage des ancêtres, roman, Editions Ecriture, 2004
La Malgeste des mornes, roman, Editions Ecriture, 2006
Litanie pour le Nègre fondamental, roman, Editions Mémoire d’encrier, 2008
Chimenn, nouvelle en créole dans Drive. L’errance ensorcelée, textes réunis par Gerry L’Etang, HC Editions, 2009
Dépi avan Zélam, dépi avan Akad, nouvelle en créole dans Ô Ayiti o, K Editions, 2012.