Sans bruit, l’agriculture martiniquaise est en train de vivre un moment de bascule. La Collectivité Territoriale de Martinique est en train de mettre en œuvre une véritable stratégie de transformation de ce secteur d’activités. Deux objectifs sont poursuivis : permettre aux professionnels du milieu de nourrir la population du pays ; et offrir à la population des denrées alimentaires de qualité en quantité et à un juste prix.
Ces deux idées sous-tendent la stratégie de la CTM qui souhaite parvenir à l’autonomie alimentaire en 2030. Même si la moitié seulement des besoins du marché intérieur seront satisfaits à cette échéance, ceci constituera tout de même une victoire. Aujourd’hui, nous importons 80% de ce que nous mangeons. La marge de progression est énorme.
Parvenir à ce but suppose de faire évoluer les mentalités, de moderniser la commercialisation des fruits et légumes, de disposer de parcelles permettant une rentabilité des investissements, de permettre aux jeunes désireux de s’installer de le faire réellement.
Une révolution lente et déterminée
Cette révolution lente, mais déterminée suppose de prendre des mesures concrètes. Les élus de l’Assemblée en ont adopté une demi-douzaine. Par exemple, l’ouverture de plusieurs marchés de producteurs, en sorte de privilégier les circuits courts entre producteur et consommateur.
Ces marchés seront couplés à une plateforme de conditionnement et de logistique mutualisée pour les coopératives de production de fruits et de légumes. Ce qui permettra d’assurer la traçabilité des denrées alimentaires. Exactement ce qu’attend la population.
Un autre exemple de décision politique et technique prise par les élus : la réforme de la gestion des aides européennes. Ces enveloppes sont distribuées par un fonds spécial, le POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité). Les planteurs de banane perçoivent 80% de l’enveloppe. Les 20% restant sont répartis entre les filières canne-sucre-rhum, élevage et maraîchage
Repenser notre modèle de société
Nos élus politiques, unanimes, estiment que cette anomalie doit cesser. Ils partiront à l’assaut de la citadelle européenne afin de réorienter progressivement et résolument, les fonds européens vers les producteurs qui nourrissent leur population.
L’assemblée de la CTM a validé les propositions du conseiller exécutif Nicaise Monrose, en charge de la politique agricole. Ceci n’a rien de surprenant. Expert reconnu de ce domaine, en tant que directeur général de la Chambre d’Agriculture, il a eu l’occasion à maintes reprises de dévoiler sa vision de l’avenir du secteur.
En octobre 2020, alors qu’il n’était pas encore membre de la CTM, il écrivait dans une tribune libre publiée dans la presse : "Une autre agriculture est souhaitable et attendue ». Et ce, parce que « plus que toute autre activité, l’agriculture est le produit d’un projet de société".
Nicaise Monrose défend depuis longtemps l’idée "d’une agriculture écologique, socialement juste, répondant à la quête d’identification de la population avec sa production alimentaire et qui poursuit un autre objectif que l’enrichissement patrimonial par la rente, générateur de tensions sociales pénalisantes pour le progrès collectif". La révolution paysanne est en marche, vous dit-on.