Nous aurons du sucre et du rhum cette année encore grâce à l’embauche de travailleurs immigrés haïtiens. Environ 130 d’entre eux sont affectés depuis le début de la récolte de la canne à des tâches pénibles comme l’arrachage des mauvaises herbes qui gênent la croissance du précieux roseau.
Ces travailleurs sous contrat ont les mêmes droits et les mêmes obligations que leurs collègues martiniquais. Et ce, d’autant qu’ils vivent déjà en Martinique. Du reste, le recrutement de travailleurs agricoles saisonniers est courant. Par exemple, ce sont des ouvriers venus sous contrat de Sainte-Lucie qui assurent chaque année la récolte de la canne à sucre.
Cette main-d’œuvre est d’autant plus précieuse qu’elle compense les carences du marché du travail. Le chômage est élevé, mais le jeune martiniquais ne va pas spontanément travailler la terre. C’est ainsi que l’agriculture est un secteur d’activité dont les métiers sont en tension.
De nombreux métiers en tension
Un métier est dit en tension quand le nombre d’offres d’emploi émis par les entreprises est supérieur aux demandes des personnes recherchant un emploi. Le recrutement est difficile par manque de candidats, ou parce que les profils des postes ne trouvent pas preneurs, ou parce que certains métiers sont considérés comme dégradants, archaïques, trop complexes ou mal payés.
En Martinique, nous constatons une abondance de métiers en tension. Le vieillissement de la main-d’œuvre dans certains secteurs en est la cause. C’est le cas dans la construction, l’agriculture, le commerce. De plus, le manque d’attrait pour des professions vues comme pénibles est évident. Exemples : ouvrier agricole, maçon, agent d’entretien et à terme, enseignant.
Le marché du travail manque de bras
Quasiment tous les secteurs d’activité sont concernés. Hormis les professions déjà citées, les enquêtes réalisées par l’INSEE et Pôle Emploi révèlent des besoins en main-d’œuvre dans le BTP (plombier, électricien, peintre, carreleur), la santé (médecins, infirmières), le commerce (vendeurs, représentants), les emplois de bureau (assistantes de direction, agents d’exécution des services publics, comptables), le transport (conducteurs de véhicules de toutes catégories). Sans oublier les activités sportives, l’animation socioculturelle, les services d’aides aux personnes âgées.
La situation ne va pas s’arranger à brève échéance ou comme par magie. La dénatalité se poursuit, le nombre de décès étant désormais plus important que celui des naissances. L’émigration des jeunes ne faiblit pas, faute pour eux de se former ou de trouver un emploi correspondant à leurs aspirations sur place. Les retraités sont de plus en plus nombreux et vivent de plus en plus longtemps.
Les travailleurs étrangers fortement présents
En outre, l’école et l’université ne peuvent pas former tous les ouvriers, employés, techniciens, cadres, ingénieurs, soignants dont nous avons besoin. Il faut donc se tourner vers l’immigration. Or, c’est déjà largement le cas.
Nul ne le proclame haut et fort, mais les travailleurs étrangers ou natifs d’un pays étranger présents en Martinique sont si nombreux qu’ils maintiennent à flot l’hôpital public, l’agriculture, les soins à nos aînés, la propreté de nos bureaux et de nos logements, et de nombreux chantiers de construction. Le choix n’est plus entre l’immigration choisie ou l’immigration clandestine.
Nous sommes déjà dans le cadre d’une immigration d’autant plus obligatoire qu’elle est indispensable. Le marché du travail n’est pas le seul espace où sont attendus les étrangers. Arrivés jeunes, ils auront des enfants qui iront peupler nos écoles qui se vident, mais aussi les clubs sportifs et les logements.
L’irrigation de notre économie par l’immigration est devenue une nécessité pour notre pays qui s’est construit en accueillant sur son sol des populations d’origines diverses. Et tout indique que la Martinique le restera.