Rien ne change à l’Elysée tandis que tout bouge dans le pays. L’entretien télévisé du Président de la République à 13 heures alors que l’audience est moindre qu’à 20 heures, a ceci de saisissant qu’il permet de révéler son immobilisme politique et intellectuel. Il regrette seulement n'avoir pas pu convaincre de la nécessité de cette réforme.
>>>(Re)voir l'entretien accordé par le Président de la République Emmanuel Macron
Pour autant, il n’y renonce pas. Et cela, au nom d’une conception particulière de l’intérêt supérieur du pays. Il estime que le système de retraite est menacé par un défaut de financement. Une analyse contestée par plusieurs économistes, des dirigeants politiques et tous les responsables syndicaux. Lesquels sont accusés par le chef de l’État de n’avoir présenté aucun projet alternatif pour sauver le système.
Une affirmation confinant à la surdité. Les centrales syndicales ne cessent de proposer d’autres pistes de réflexion, notamment l’augmentation des cotisations sociales et la taxation des bénéfices astronomiques, les super-profits, dégagés par les grandes entreprises.
Le Président aurait reçu les syndicalistes qu’il aurait entendu leurs propositions.
Le Président comprend-t-il le peuple?
D’ailleurs, le Président a-t-il bien perçu que la colère exprimée par la population ne porte pas seulement sur le report de l’âge de départ à la retraite, mais aussi sur le rapport au travail ? A-t-il bien entendu que ceux qui travaillent veulent vivre en bonne santé le restant de leurs jours, au terme de 40 ou 42 ans d’activité ? Comprend-t-il que la remise en cause de ce droit suscite l’inquiétude du peuple ?
D’ailleurs, comprend-t-il le peuple ? Déclarer devant des députés et des ministres que "la foule n'a pas de légitimité face aux élus du peuple" révèle sa conception verticale des relations entre le pouvoir et les citoyens.
Pour quelqu’un qui voulait moderniser les pratiques politiques, il y a de quoi être perplexe, face à cet accès d’archaïsme.
D’autres priorités sont attendues
L’autre moment fort de cet entretien a été cette séquence durant laquelle le chef de l’État a défini son cap pour la suite de son quinquennat. Il tient en trois priorités : l'école, avec l’obligation de disposer d’un professeur devant tous les élèves ; la santé, dans le but de combler les déserts médicaux ; l'écologie avec la sobriété recommandée dans l’utilisation des ressources naturelles.
Or, c’est exactement ce que la population attend. À savoir des objectifs clairs et la résolution de ses problèmes quotidiens. Et non cette mise à mal d’un système patiemment construit par les générations précédentes depuis huit décennies.
Rien n’empêche au président de retirer sa réforme. Il pourrait s'inspirer de certains de ses prédécesseurs. Ils avaient eu la lucidité de remettre en cause des projets ayant suscité l’hostilité des citoyens.
Le général de Gaulle a démissionné le soir même du référendum de 1969. François Mitterrand est revenu sur sa décision de supprimer le financement public de l’école privée, en 1984. Jacques Chirac n’a pas promulgué la loi instituant le contrat première embauche (le CPE), en 2006.