Le quart des jeunes âgés de 18 à 25 ans en Martinique sont exclus de la sphère sociale. Ils ne sont ni en formation, ni au travail, ni en stage. En jargon administratif, cette catégorie de la population est désignée par le sigle anglais de NEETs.
Dans les trois autres "départements d’Outre-mer historiques" comme le dit l’INSEE, cette proportion va de 26 à 30%. Ces jeunes de moins de 26 ans sont inconnus des associations d’insertion, des services de l’État, de Pôle Emploi, des missions locales, des centre communaux d’action sociale et des services sociaux des conseils départementaux.
En Martinique, cette anomalie concerne 15 000 personnes. D’où le lancement par la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique) d’un nouveau dispositif d’aide sociale, le REJI, pour Revenu Emancipation Jeune Initiative. Contre une allocation mensuelle allant de 200 à 685 euros, le bénéficiaire peut s’immerger dans le monde de l’entreprise, s’inscrire dans un atelier de remotivation, suivre une formation en instruction civique, passer ses permis de conduire.
La collectivité présente cet énième dispositif comme une innovation amenée à se généraliser dans toute la France. Enième, car il existait un schéma précédent, mis en place en 2017 par l’ancienne gouvernance, "Atout Inclusion", visant à renforcer l’employabilité des jeunes décrocheurs sociaux. Enième, car plusieurs dispositifs équivalents sont portés par de nombreuses structures publiques et privées, depuis de longues années.
Trop de jeunes à la dérive
Pourtant, il existe toujours autant de jeunes sortis sans diplôme du système scolaire, de diplômés sans emploi, de jeunes mères de famille célibataires isolées, d’anciens détenus marginalisés. La persistance de ce phénomène s’explique selon l’INSEE par le faible nombre d’emplois créés chaque année sur un marché étroit.
Or, le marché intérieur est étroit de tout temps. Les offres d’emplois sont plus rares que les demandes depuis le début des années 1960, période marquée par les fermetures massives de distilleries et de sucreries. L’exode rural vers Fort-de-France s’est doublé d’une explosion du chômage.
La problématique a été résolue par une solution politique élaborée par le gouvernement de l’époque. À savoir l’émigration de dizaines de milliers de jeunes vers la région parisienne en majorité, afin de combler les emplois vacants les moins bien payés dans les services publics (SNCF, RATP, hôpitaux, Postes et télécommunications).
À quand une solution politique ?
Et si aujourd’hui, c’est d’une autre solution politique dont nous avions besoin ? Pouvons-nous répondre au défi de l’exclusion des jeunes uniquement par des aides ponctuelles, fussent-elles généreuses ? Nos décideurs locaux et centraux savent que l’insertion sociale passe par l’insertion économique. Il leur incombe de favoriser la création d’emplois durables et d’entreprises viables.
Nos élus de proximité savent aussi qu’il est impératif de réduire notre dépendance à l’extérieur. Sommes-nous obligés d’importer éternellement 80% de ce que nous consommons ? Nos agriculteurs, nos pêcheurs, nos industriels sont-ils condamnés ad vitam aeternam à subir la concurrence de marchandises d’une qualité moindre que celles qu’ils produisent ?
Nos dirigeants sont parfaitement conscients de cet axiome : tant que notre économie ne pourra pas assurer le développement de nos ressources, humaines notamment, nous ne pourrons pas offrir aux générations montantes des perspectives ambitieuses et sereines.
Il ne tient qu’à nous tous de casser la spirale de la pauvreté de nos jeunes et de refuser la fatalité de l’appauvrissement de nous tous.