"Elle est à toi, cette chanson, toi l'Auvergnate qui, sans façon…"Ce couplet féminisé d’une chanson de Georges Brassens lui colle comme un gant. En Auvergne où elle est née et a grandi jusqu’au baccalauréat, Laure Martin Hernandez a appris très tôt à donner "du feu" à celles et ceux qui ont "froid" et auxquels "les gens bien intentionnés" ferment «"la porte au nez".
L’Auvergne, c’est une terre de volcans, de pierres noires basaltiques, de paysages verts de campagne, à laquelle la jeune femme reste très attachée. C’est le creuset de son histoire familiale. Sa mère est belgo-normande et son père un immigré espagnol. Ils se sont connus à Madrid et se sont établis à Clermont-Ferrand à la fin des années 60.
À 6 ou 7 ans, j’ai commencé à tenir un journal intime. À 10 ans, j’ai écrit un roman qui se passait dans l’Égypte antique. C’était une histoire d’amour entre un soldat déserteur et une bédouine. Le résultat littéraire est perfectible mais le fond porte déjà une valeur qui m’était chère, moi fille d’immigré : l’antiracisme.
Laura Martin-Hernandez
En 1981, François Mitterrand est élu. Il devient le premier président socialiste de la Ve République. À la télévision, Christine Ockrent prend les commandes du 20H de France2. Elle devient la deuxième femme à présenter le journal télévisé après Hélène Vida.
C’est le déclic pour Laure Martin, âgée alors de 14 ans. C’est décidé : elle sera journaliste ! Après un stage en radio à Clermont-Ferrand, un premier article contre la loi Devaquet pour une revue lycéenne, suivi de quelques autres sur les enjeux de l’éducation, elle entre à Sciences Po Lyon, puis intègre l’école de journalisme de Strasbourg.
À l’occasion d’un stage, je rencontre un journaliste martiniquais qui me propose de venir en vacances dans son île. C’est la première fois que je quitte l’Europe. Je suis éblouie par les paysages. Je fais la connaissance de la Pelée dont j’avais appris les éruptions dans des cours sur le volcanisme en Auvergne. Je m’intéresse à Aimé Césaire dont le nom était souvent cité dans mes cours sur la décolonisation.
Son diplôme en poche, Laure Martin Hernandez fait ses premières armes à RFI (Radio France Internationale) au service Amérique du Sud et Caraïbe. Mais la vie parisienne lui pèse. Elle rentre en Auvergne, travaille pour NRJ, puis décide de faire le grand saut en venant s’installer en Martinique en 1997.
Laure présente alors les matinales à RCI pendant deux ans puis à RFO durant douze ans, avant de tourner définitivement la page de la radio. Elle collabore à une boite de production qui réalise des émissions clé en main pour les deux chaînes de télévision locales.
En 2013, le producteur Christophe Denise me confie la réalisation d’un documentaire sur la plasticienne Shirley Ruffin. Je découvre une nouvelle écriture, différente de celle du journalisme. J’ai la chance ensuite de rencontrer le réalisateur Vianney Sotès, avec lequel je signe plusieurs documentaires en apprenant ensemble à poser des regards plus personnels.
"Elle est à toi, cette chanson, toi l'Auvergnate qui, sans façon…". Ce couplet féminisé d’une chanson de Georges Brassens guide alors intimement et intuitivement le travail de Laure Martin Hernandez. Fille d’immigré, comme elle tient à le rappeler, la jeune femme donne la parole aux gens différents, à celles et ceux aussi qu’on entend peu ou pas assez.
Dans le documentaire "Amazones, l’art de revivre", Laure Martin Hernandez suit la reconstruction physique et morale de l’animatrice Alexandra Harnais après un cancer du sein. Dans "Scolopendres et Papillons", coréalisé également avec Vianney Sotès et primé trois fois, elle s’intéresse aux victimes de l’inceste.
Mon travail tourne autour de trois centres d’intérêt principaux : les femmes car elles sont encore trop dans l’ombre, la création artistique qui permet de toucher des thématiques profondes, et la nature, crise écologique oblige. J’essaie de sortir des clichés doudouistes ou spectaculaires qui collent trop souvent aux Antilles. Chaque film change ma propre vie.
Aujourd’hui, Laure Martin Hernandez n’envisage pas sa vie autrement qu’en réalisatrice insatiable. Chaque documentaire est pour elle un apprentissage renouvelé et une aventure humaine. Elle développe en ce moment un nouveau projet de film et elle espère en faire beaucoup d’autres.