En 1935, lorsque l’Italie fasciste de Benito Mussolini attaque l’empire de Haïlé Sélassié en lâchant des bombes chimiques interdites sur des civils et en perpétuant des massacres à Addis Abeba, une Éthiopienne fuit son pays et s’exile à Djibouti. C’est la grand-mère de Marie-Claude Bruno.
Djibouti s’appelle à l’époque Côte française des Somalis. Sur place, la réfugiée éthiopienne rencontre un ancien militaire malgache reconverti dans le secteur de la santé. Il est employé dans un dispensaire. C’est le grand-père de Marie-Claude Bruno.
L’homme et la femme s’aiment. Ils se marient. Ils ont une fille. Devenue adulte, celle-ci croise la route d’un caporal-chef martiniquais en garnison à Djibouti. Le soldat créole épouse la belle métisse éthiopienne et malgache. Ce sont les parents de Marie-Claude Bruno.
Quand mes parents ont quitté Djibouti en 1975, ils se sont installés dans les Bouches du Rhône. C’était dur de laisser ma famille maternelle pour aller vers l’inconnu. En France on ne se sentait pas trop chez nous. On nous renvoyait à notre couleur de peau. À l’école, je n’étais pas brillante. Mais je pratiquais du basket en UNSS. C’était mon exutoire. Je me sentais valorisée. En 1989, sans crier gare, mon père a finalement décidé de revenir avec ma mère et leurs sept enfants en Martinique.
Marie-Claude Bruno
En 1989, Marie-Claude Bruno a 14 ans lorsque la famille s’installe au Vauclin, ville natale de son père. C’est le choc ! L’adolescente doit tout recommencer à zéro dans une île où elle n’est venue que deux fois, en bas âge et en vacances.
Marie-Claude Bruno s’adapte et se constitue de nouveaux repères avec l’aide de ses profs. Au collège au Vauclin, elle se "défoule" en EPS en pratiquant aussi bien le foot, comme gardienne de but, que le basket, comme ailier fort.
En 1990, le basket prend définitivement le dessus. Un coach du Club sportif vauclinois (CSV) l’incite à rejoindre l’équipe de la ville. C’est un nouveau départ. Marie-Claude Bruno prend confiance en elle, développe ses qualités physiques et améliore parallèlement ses notes en classe.
En 1991, j’ai été retenue en sélection de Martinique. J’ai disputé mon premier tournoi Antilles-Guyane à Fort-de-France. Nous avons gagné. C’était impressionnant. Avec le CSV, je n’ai pas remporté de titre mais nous sommes montés en Excellence. C’était un exploit.
En 1994, Marie-Claude Bruno voit plus grand. Elle quitte le CSV pour le Golden Lion de saint-Joseph. C’est un club qui nourrit de hautes ambitions. La joueuse explose sur le parquet. Elle fait briller ses coéquipières grâce à son jeu "très masculin" inspiré de son idole Michael Jordan.
En 1995, Marie-Claude Bruno remporte avec ses partenaires le titre de championne de Martinique. C’est le premier d’une longue série : huit titres en tout avec le Golden Lion, un titre également avec le Golden Star, deux autres avec la Gauloise de Trinité, un enfin avec l’Éclair de Rivière-Salée.
Quand j’ai gagné mon premier titre avec le Golden Lion, j’ai vécu cela comme une récompense. J’avais eu beaucoup de peine à quitter le CSV, car c’est le club qui m’a formée. Ce sacre a confirmé que j’avais fait le bon choix. À quelques mois de ma retraite sportive, je suis fière de mon parcours. J’ai remporté sept ou huit Coupe de Martinique et trois championnats Antilles-Guyane.
Le palmarès de Marie-Claude Bruno est en fait aussi riche que son arbre généalogique. À ces sacres par équipe, il faut ajouter cinq titres de meilleure basketteuse de Martinique et un autre de meilleure joueuse des Antilles Guyane.
Aujourd’hui, à 46 ans, Marie-Claude Bruno s’apprête à raccrocher. Ce sera en juin 2022. Tout en se consacrant à son métier de prof des écoles, elle aimerait participer à la formation des jeunes basketteuses.
En attendant, Marie-Claude Bruno profite de son congé maternité : "Actuellement, je savoure le rôle de maman pour la troisième fois avec la naissance de ma fille en novembre", se réjouit-elle.