Le passage en force effectué par le gouvernement a ceci de particulier qu’il est parfaitement légal. L’article 49, alinéa 3 de la Constitution donne la possibilité au Premier ministre de faire adopter un projet de loi sans le vote des députés. C’est la 100e fois que cette procédure a été utilisée à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.
Cette disposition existe depuis les origines de la Cinquième République, en 1958.
A l’époque, la France venait de retrouver un semblant de stabilité politique, après les crises ministérielles à répétition de la Quatrième République instaurée à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Le "49-3" comme il est surnommé permet de renforcer l’autorité du gouvernement. Il a été souvent utilisé durant le second septennat du président socialiste François Mitterrand. Sa majorité était d’une seule voix après les législatives de 1988. Plusieurs lois ont été adoptées par cette voie, notamment celle instaurant la Contribution sociale généralisé (CSG) visant à résorber le déficit de la Sécurité sociale.
Elisabeth Borne l’a rappelé lors de son discours, ce jeudi, devant les députés. Sauf que la CSG a été adoptée dans un hémicycle silencieux, en 1990, au contraire de ce qui s’est produit, ce 16 mars 2023, entre claquements de pupitres, huées et couplets de La Marseillaise sur les bancs de la NUPES et du Rassemblement national.
Plusieurs scénarios à envisager
Il reste à déterminer ce qu’il peut-il se passer maintenant. Pour les oppositions de gauche, du centre, de droite et d’extrême droite, le "49-3" est assimilé à un coup de force. Il illustre l’incapacité du gouvernement à faire accepter une réforme importante par les parlementaires. Lesquels représentent le peuple, qui ne veut pas de cette réforme.
Les oppositions disposent de deux recours. D’abord, la motion de censure pour faire tomber le gouvernement. Il se dit que le groupe charnière de la LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) fort de 20 membres, s’y apprête. Si la motion de censure est adoptée à une majorité absolue, soit 289 suffrages exprimés, la Première ministre sera remplacée. Nous n’y sommes pas encore.
Puis, il y a la saisine du Conseil constitutionnel. Plusieurs articles de la loi peuvent être censurés. Là non plus, rien n’est fait, mais le risque juridique existe que la loi soit partiellement amputée. Ceci pour la dimension institutionnelle.
Sur le plan social, il faut s’attendre à des contrecoups, avec la poursuite de la mobilisation syndicale. Sur le plan politique, le pouvoir apparaît plus fragile que jamais. Le quinquennat dure encore quatre ans. Une période qui risque de paraître très longue à certains.