Comme pour rassurer l’opinion publique, le ministre du Travail Olivier Dussopt a précisé la veille du vote du projet de loi dit "Plein emploi", sur le plateau de la chaîne Public Sénat, que l’activité n’est pas forcément un travail. Les occupations sociales proches du bénévolat seront prises en compte pour l’attribution ou le maintien du revenu de solidarité active.
Le gouvernement, dit-il, veut faciliter la marche vers le retour à un emploi stable de personnes qui en sont trop éloignées à cause du chômage, ou à cause d’un accident de la vie - la maternité, la maladie, l’accident, le handicap.
Le ministre est persuadé que le fait d’occuper une activité au bénéfice des autres peut aider ceux qui sont exclus du marché du travail à le réintégrer. Ce quota de 15 heures de travail ou d’activité sera imposé aux allocataires du RSA. Cette promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron se fonde sur l’idée selon laquelle "personne n’est inemployable", selon le mot du ministre.
Un objectif irréaliste
Sauf que l’objectif risque de ne pas être atteint. En Martinique, nous avons un peu moins de 40 000 foyers allocataires. Les bénéficiaires sont plutôt âgés, 40% d’entre eux ayant plus de 59 ans, contre 26% en France. Des chiffres voisins à ceux observés dans les autres territoires d’Outre-mer, où le chômage frappe le plus durement les jeunes et les seniors.
Le montant du RSA va de 607 euros pour une personne sans enfant jusqu’à 1 337 pour une personne avec 3 enfants. Mais qui sait combien d’allocataires auraient préféré travailler avec un salaire décent ? Le nœud du problème est précisément dans la création d’emplois de tous niveaux de qualification.
Ce sur quoi ont insisté nos députés. Pour Jean-Philippe Nilor, l’échange entre contrat de travail et aide sociale s’assimile à du chantage. Pour Johnny Hajjar, nul ne choisit de vivre du RSA. Ils ont logiquement voté contre, de même que Marcellin Nadeau, Jiovanny William et la majorité des députés d’Outre-mer. Les sénateurs de Martinique, Maurice Antiste et Catherine Conconne ont défendu la même position, voici trois mois.
Notre sous-développement est entretenu
Si l’État avait un plan de lutte contre le chômage massif et donc pour le plein-emploi dans nos pays, nous nous en serions aperçus. En dépit du potentiel des travailleurs et des besoins de la population, c’est la voie de la dépendance économique à l’extérieur qui est privilégiée depuis des temps immémoriaux.
L’industrie attend toujours le coup de pouce qui pourrait lui permettre de saturer le marché local. Au lieu de quoi, nos usines sont constamment menacées par les importations massives. De plus, les industriels sont inquiets par une réforme de l’octroi de mer qui pourrait déstabiliser leurs positions sur le marché domestique.
Un coup de pouce est attendu aussi par nos agriculteurs qui ne savent plus vers quelles autorités se tourner pour bâtir un plan de développement de leur secteur. Pourtant, les consommateurs souhaitent disposer de produits sains, abondants et peu onéreux. Pourtant, les producteurs souhaitent disposer d’un revenu régulier et valorisant.
Dans ces conditions, favoriser le travail est une gageure. Aucun plan élaboré depuis Paris n’a jamais permis de sortir du sous-développement entretenu dans lequel nous marinons. De même, maintenir les bénéficiaires du RSA dans leur dépendance à l’aide sociale semble plus aisé que leur permettre de maintenir ou d’acquérir leur dignité par le travail.
Manifestement, la situation Outre-mer semble encore avoir échappé au gouvernement et à sa majorité aléatoire.