Léon Sainte-Rose militant de l’OJAM : du combat à la désillusion

Léon Sainte-Rose a aujourd'hui 85 ans (27 décembre 2019)
En 1962, à la veille de Noël, des militants de l'OJAM (l'Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique) placardent des affiches dans toute l'île : "La Martinique aux Martiniquais". Pour ce geste, ils sont jetés en prison. Le militant culturel Léon Sainte-Rose en faisait partie.
Le mois de décembre rappelle aux Martiniquais le combat des militants de l’OJAM (l'Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique).

La Martinique aux Martiniquais.

En 1962, à la veille de Noël, Léon Sainte-Rose et d’autres militants, communistes, nationalistes et catholiques, placardent des affiches dans tout le pays : "La Martinique aux Martiniquais". Pour avoir fait cela, ils sont arrêtés et jetés en prison.
Un demi-siècle plus tard, le célèbre musicien ne regrette rien mais il ne reconnaît plus son île.
 

Léon Sainte-Rose jette un regard désabusé sur le monde 


Du haut de ses 85 ans, Léon Sainte-Rose jette un regard désabusé sur ce monde et singulièrement la Martinique, dominée, selon lui, par trois catégories humaines. Des gens qui ont des idées mais pas d'idéal, des gens qui ont un idéal mais pas d'idées et des gens qui n'ont ni idée ni idéal.

Une infime minorité de gens ont des idées et un idéal.


Face à ces trois catégories humaines, il ne reste, à ses yeux, qu'une infime minorité de gens qui ont des idées et un idéal. Une infime minorité…Voilà pourquoi son île ne tourne pas rond. Voilà pourquoi l’ancien prisonnier de l’OJAM affiche un air désenchanté.

L’histoire de Léon Sainte-Rose n’est pas plus rose que celle de la Martinique, d’hier et d’aujourd’hui. Elle s’ouvre par un drame. Il a deux ans lorsque son père décède. Entre l’agriculture et le commerce, sa mère se donne du mal pour élever, seule, ses quatre enfants.

Le militant culturel Léon Sainte-Rose.

Léon Sainte-Rose est bon élève. Après une scolarité au Saint esprit (maternelle et cours complémentaire), il entre au lycée Schœlcher à 16 ans et se frotte à Joseph Zobel et Aimé Césaire.

Le jeune homme est curieux de tout et sensible à la réalité sociale qui l’environne avec son lot de frustrations et de misère.

Un nationaliste dans l'âme 

 

Après le bac, c’est l’école normale supérieure puis son premier poste d’enseignant au Morne-Rouge. Léon Sainte-Rose a mûri. C’est un nationaliste dans l’âme. Lorsque Fort-de-France se soulève le 20 décembre 1959, il participe activement aux émeute. Après ses cours, il part "au combat" le soir et met le feu à plusieurs commissariats.

Trois ans après cette révolte, qui fit trois morts en trois jours, Léon Sainte-Rose est membre de l’OJAM. Chevauchant sa vespa, il colle des affiches, la nuit. "La Martinique aux Martiniquais", placarde-t-il sur les murs des églises, des mairies et d’autres bâtiments officiels.

Sept mois de prison ferme pour "atteinte à l’intégrité du territoire"


Mais très vite, l’aventure tourne court. Alors qu’il fait classe à ses élèves au Morne-Rouge, Léon Sainte-Rose est arrêté en plein cours en février 1963. Dix-sept autres "camarades" sont interpellés.

Lors du procès de l’OJAM, Léon Sainte-Rose est condamné à sept mois de prison ferme pour "atteinte à l’intégrité du territoire". Mais à sa sortie, il poursuit le combat, cette fois sur le plan culturel.

Léon Sainte-Rose marque les esprits avec une biguine : "Pliché ti nain".

Musicien autodidacte depuis son jeune âge, Léon Sainte-Rose joue du bongo, du pipeau et chante dans différents groupes : Blue Star, Los Caribes et les Trimalcos avec Max Ransay.

Léon Sainte-Rose marque les esprits avec une biguine : "Pliché ti nain" qui devient un tube. Il fonde ensuite le groupe Palant'Ché avec d’anciens élèves et des amis du Morne-Rouge.

Le groupe veut éveiller les consciences. Les textes sont engagés. L’enseignant devenu musicien se confond avec l’instrument qu’il promeut désormais, la flûte à bambou.

La conscience martiniquaise est loin de s’éveiller. Bien au contraire, elle s’est engluée dans la consommation et nous avons perdu nos valeurs.


Léon Sainte-Rose joue ainsi sa partition pendant des décennies, avant de... déchanter, en observant ce qu’est devenue son île pour laquelle il s’est tant battu.

Léon Sainte-Rose en famille.

"Je me vois aujourd’hui comme un spectateur désabusé qui n’a pas trahi ses idéaux mais qui a perdu ses illusions. La conscience martiniquaise est loin de s’éveiller. Bien au contraire, elle s’est engluée dans la consommation et nous avons perdu nos valeurs", dit-il.

À 85 ans, Léon Sainte-Rose n’est pas amer, n’a pas regrets. Fidèle à lui-même, il vit toujours à la campagne et cultive son jardin, au propre comme au figuré. C’est aux autres désormais de prendre le relais.

Le militant culturel Léon Sainte-Rose.