Le processus de l’autonomie de la Martinique est-il enclenché ? Nos représentants politiques devraient en décider, ou pas, à l’occasion de la tenue prochaine du congrès des élus. Cette instance rassemble les 60 élus de la Collectivité Territoriale de Martinique – ses 51 conseillers et ses 9 membres du conseil exécutif - les 6 parlementaires et les 34 maires. Le congrès est habilité à demander au gouvernement des transferts de compétences de l’État, une modification de nos institutions ou un changement du statut juridique.
Le président du conseil exécutif, Serge Letchimy, en a pris l’initiative. Il s’en explique dans une lettre du 13 avril aux quatre chefs de file des groupes politiques de l’assemblée. Il y écrit : "L’heure est venue pour nous de doter la Martinique des leviers du développement, de l’émancipation et du progrès dont elle a besoin".
Pour lui, il faut saisir l’occasion de la séquence électorale actuelle pour formuler "notre demande de réorientation de notre modèle de développement pour une meilleure adaptation des politiques publiques à nos réalités, avec un plus grand pouvoir normatif domicilié au niveau local".
Domicilier le pouvoir
Par ailleurs président du Parti progressiste, le chef de l’exécutif estime le temps venu d’inventer un nouveau modèle de développement correspondant à nos besoins et à nos potentialités. Il souhaite ancrer cette rencontre, "dans le sens profond de l’émancipation partagée avec l’ambition du progrès et du développement pour la Martinique que Césaire, Aliker, Fanon, Glissant et Lumina nous ont laissée en partage".
En creux, une forme d’autonomie. Non pas le statut prévu par l'article 74 de la Constitution, mais une formule originale, sur le modèle des exemples récents de Guyane et de Corse. Leurs assemblées vont discuter avec le gouvernement pour élaborer un nouveau cadre juridique, social et fiscal pour leurs territoires. Comme cela a été le cas pour la Nouvelle-Calédonie il y a trente ans.
C’est la voie souhaitée par le PPM quand il parle de "constitutionnalisation de l'autonomie de la Martinique". Il pourrait saisir cette occasion pour se mettre enfin en adéquation avec son mot d’ordre historique. Une revendication exprimée depuis 1961 par le Parti communiste, reprise par le Parti progressiste puis par la plupart des formations anticolonialistes. Martinique Ecologie de Louis Boutrin est sur cette ligne.
Un compromis entre deux options
C’est dire que se diriger vers une forme d’autonomie constitue aussi la possibilité d’un compromis entre toutes les forces politiques à équidistance de l’immobilisme mortifère actuel et l’indépendance fantasmée. Surtout que ce gouvernement souhaite ardemment accorder aux collectivités d'outre-mer les responsabilités les plus larges, même si les moyens ne suivent pas forcément. La déclaration à contre-pied du ministre Sébastien Lecornu de novembre 2021 dernier reste d’actualité.
Attention, nous n’y sommes pas encore ! Le Congrès devrait trouver les meilleurs moyens pour faire décoller la Martinique. Les forces politiques y exprimeront leur souhait de desserrer le carcan dans lequel nous sommes cadenassés. Il est évident qu’après le séisme de l’élection présidentielle, nos représentants sont pleinement convaincus qu’ils doivent proposer de nouvelles perspectives au pays.
Ils sont tous pleinement conscience qu’il faut désormais marcher un pas devant le peuple et tenir gagné chaque pas. Il est clair qu’ils n’ont qu’une envie, se mettre au diapason de l'exigence de responsabilité et d’audace souhaitée ou réclamée par des fractions de plus en plus larges de la population.