Politique : le gouvernement prône l’ouverture et deux ministres appliquent la fermeture

La Première ministre, Elisabeth Borne, le 6 juillet 2022 à l'Assemblée nationale.
Très attendu, le discours de politique générale de la Première ministre, ce mercredi 6 juillet 2022, précise les intentions de son gouvernement vis-à-vis des collectivités d’outre-mer. Elisabeth Borne a mis en avant l’importance du dialogue avec les forces vives de nos pays afin de trouver les voies d’un avenir apaisé, à l’inverse de deux ministres pratiquant déjà l’absence de dialogue.

La Première ministre a promis avoir entendu l’Appel de Fort-de-France. Cette déclaration a été signée le 17 mai 2022 par sept des exécutifs de nos onze collectivités, à l’initiative de Serge Letchimy, à la tête de la Collectivité  Territoriale de Martinique. Elisabeth Borne a précisé que son gouvernement accompagnera nos institutions et leurs élus dans leurs efforts pour le développement économique, la création d’emplois, la distribution de l’eau et l’assainissement, la gestion des déchets ainsi que dans la résolution des problématiques liées à la vie chère en outre-mer.

 

La cheffe du gouvernement a également dit qu’elle a entendu, émanant de nos territoires, « les doutes, les craintes et la colère ». Elle s’attachera à réduire les causes de ce dialogue compliqué, voire rompu, avec les populations et les représentants de nos territoires. Ce sera le cas, fait-elle savoir, pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour la totalité des territoires périphériques français.

 

Pour autant, elle devra impérativement opérer des mises au point avec deux de membres de son équipe. Vu depuis nos pays, les déclarations énoncées le même jour, mardi 5 juillet 2022, par les ministres de la Santé et celui de l’Intérieur ont de quoi laisser perplexes.

 

Des recadrages nécessaires

 

Le ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun, estime que la réintégration des personnels des établissements de santé « n’est pas d’actualité ». Il met en avant le très faible nombre de personnels concernés, 12 000 dans toute la France, soit 0,53% du total. Il répondait alors au député de Guadeloupe Olivier Serva lors de son audition devant la commission des lois. Le ministre présentait le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19.

 

Pour ce médecin urgentiste de métier, il convient de sauvegarder la santé de la population. Ce qui passe notamment par le fait de disposer de professionnels du soin immunisés contre le virus. Le politique qu’il apprend à devenir précise que le retour sur leur lieu de travail des personnels suspendus dépend de l’avis des agences régionales de santé et de la situation épidémique.

 

Sans compter qu’il faudra un texte législatif, un décret en l’occurrence, pour modifier la portée du texte législatif en vigueur, la loi du 5 août 2021. En Martinique, il y a peu de chances d’y parvenir à court terme, même si l’écrasante majorité des professionnels sont vaccinés.

 

Les syndicats du personnel estiment que l’absence des agents suspendus pèse sur la gestion des effectifs de l’hôpital. Nous allons donc vers un durcissement du conflit latent à l’hôpital, quand l’heure doit être à l’apaisement et au dialogue. Le ministre de la Santé a choisi une autre voie. Sous couvert de fermeté, il se borne à la fermeture de la concertation.

 

L’autre déclaration d’un membre du gouvernement, ce même jour, est celle du ministre  de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Dans un entretien à la chaîne de télévision BFMTV, il estime que « LFI et le RN sont des ennemis ». Il opère un distinguo avec le Parti socialiste et les LR qui sont « des adversaires ».

Deux déclarations irréfléchies

La nuance ne réside pas dans le vocabulaire seulement. Elle révèle aussi et surtout une conception de la vie parlementaire qui doit être concentrée, à entendre le ministre, autour des actes et des déclarations du seul exécutif. Ses opposants résolus sont voués aux gémonies.

 

Dès lors, comment le ministre en charge des Outre-mer va-t-il pouvoir travailler avec les députés adhérents ou apparents à LFI  de nos territoires ? Le député Jean-Philippe Nilor sait-il qu’il est considéré comme un ennemi par le gouvernement ? La nouvelle est-elle déjà parvenue aux trois députés indépendantistes tahitiens ? Et aux deux députés de Guyane, autonomiste pour l’un et indépendantiste pour l’autre ?

 

Le ministre de l’intérieur, en charge également des collectivités locales, ne discuterait donc pas avec les représentants de certains territoires, puisqu’ils ne sont pas de simples adversaires, mais des ennemis ? En attendant son recadrage, le ministre des forces de l’ordre aurait mieux de se rappeler qu’il est des jours où la meilleure façon de s’exprimer est de se taire.

 

Ce gouvernement, davantage que les précédents, sera jugé sur ses actes et leurs conséquences. Les relations sont devenues trop électriques entre nos pays et l’exécutif. Le pragmatisme, la sobriété et la clarté des propos de la Première ministre peuvent inciter à l’optimisme en ce sens. S’il n’y aucune raison de lui jeter la première pierre, il n’y aucun motif non plus pour lui conférer une confiance pleine et entière.