Ce bras de fer a été engagé sur le terrain judiciaire en 2022. À l’origine du litige, la représentante du groupe pharmaceutique Lafayette en Martinique qui contrôle déjà trois officines sur le territoire (au Lamentin, à Saint-Joseph et à Schoelcher, au quartier Terreville).
Cette dernière dont l’enseigne MSR est installée dans un centre médical sur les hauteurs, dans la galerie commerciale, s’oppose au transfert de son confrère de Grand-Village situé bien en amont, installé pourtant depuis plus de 40 ans dans la cité.
Permis de construire et autorisations en règle
Il s’agit d’un déménagement de quelques centaines de mètres sur un terrain acquis. Le permis de construire a été délivré en bonne et due forme depuis 2019, ainsi que les autorisations sanitaires requises d’après nos informations.
Procédurière ou volonté monopolistique ?
Mais le chantier a dû être suspendu à cause de l’épidémie de Covid-19 qui a débuté en 2020. Il a donc fallu d’un délai supplémentaire au promoteur du nouveau centre médical (déjà baptisé Jean-Louis Lala), afin d’achever les travaux, au sortir de la crise sanitaire. C’est à ce moment que la dirigeante de MSR Lafayette a décidé d’interpeller l’Agence Régionale de Santé, pour dénoncer la dérogation accordée à celui qui est désormais son adversaire, puisque le Tribunal Administratif a été saisi.
Le but de la "manœuvre" consiste à "empêcher à tout prix l’installation du concurrent de Grand-Village" s’indigne le collectif composé de citoyens et d’associations qui s’est rangé du côté de la pharmacie "historique" de Terreville. "C’est inacceptable ! non à l’acharnement !!"
Conséquences du recours intenté par la propriétaire de l’officine Lafayette, le promoteur du futur centre médical a été contraint de réintégrer son ancien local fin janvier dernier, après avoir investi le nouveau bâtiment, deux mois auparavant. L'espace doit accueillir 3 médecins généralistes, 2 rhumatologues, une infirmière, un kiné et 2 psychologues.
Un arrêt de la Cour d'Appel
Damien Dudognon (c’est son nom) a fait appel et le 24 février 2023, la Cour d’Appel de Bordeaux a rendu un arrêt "suspendant la décision du Tribunal Administratif de Fort-de-France, annulant l’autorisation de transfert". Cette décision, même si elle n’est pas définitive (car l’appel doit encore être jugé sur le fond du dossier), donne de l’espoir au collectif.
Dans une motion adressée le 7 mars dernier, au préfet du territoire, au maire de la ville, à la direction générale de l’ARS et à l’ordre des pharmaciens, ces riverains plus que jamais déterminés ont une fois de plus déploré "la démarche inique et l’acharnement" de Lafayette Terreville.
Ce transfert vers le nouveau centre médical ne modifie en rien ni l'équilibre, ni la répartition géographique des patients des 2 pharmacies. Il y a de la place pour les 2 officines sur le grand quartier de Terreville et ses résidences (plus de 10000 habitants). Ce nouvel emplacement apporte une meilleure qualité d'accueil et de service aux usagers, notamment aux personnes Invalides. Nous attendons vraiment de vous, un arbitrage juste et équitable (…). Que cesse l'acharnement de la concurrence !
Extrait de la motion du collectif
Dans le milieu pharmaceutique, certains semblent être à peine étonnés des "pratiques" de la représentante des enseignes Lafayette en Martinique pour faire capoter des transferts d’activités, car "elle est coutumière du fait" nous confit un pharmacien retraité.
"Plusieurs confrères ont subi les attaques de cette dame, dont des membres de sa propre famille, au Lamentin, à Place d’Armes, à Californie, à Sainte-Thérèse… aujourd’hui à Terreville (...) Elle pense être au-dessus des lois... C'est de la méchanceté et elle en a fait" se souvient cet ancien professionnel.
Les élus s’emparent du dossier
Dans une autre motion proposée en questions diverses lors du conseil municipal du 31 janvier dernier, les élus de l’opposition "Schoelcher Dynamique et Solidaire", par la voix de leur chef de file, Daniel Chomet, s’inquiétaient de "la menace qui pèse aujourd’hui sur la poursuite de l’exercice de la pharmacie de Grand-Village" et "soucieux de la qualité de l’offre de soins sur le territoire".
La nouvelle localisation du centre de santé a le mérite pour les habitants de grand village de réduire les nuisances sonores, la pénibilité du stationnement, tout en apportant une meilleure qualité d'accueil des clients et patients.
SDS
Plus récemment, le 8 mars 2023, SDS a récidivé dans un courrier adressé au 1er magistrat de la commune, Luc Clémenté, en lui rappelant qu’il s’était engagé publiquement à communiquer "dans les prochains jours", à la suite de la motion de janvier, laquelle a finalement été retirée face à "l’unanimité du soutien" au projet du nouveau centre.
Le député de la circonscription, Marcelin Nadeau, a lui aussi été sensible à la cause du pharmacien Damien Dudognon, puisqu’il s’est déplacé le 24 février dernier, afin d’entendre la plainte des mécontents.
La municipalité sort de son silence
Dans un communiqué en date du 10 mars 2023, Luc Clémenté s’est finalement exprimé sur la page Facebook de sa ville, en affirmant que ce conflit est "une préoccupation forte" pour la municipalité.
Quand un conflit nait entre des professionnels de santé de notre ville, cela constitue pour notre équipe une préoccupation forte qui appelle de notre part une attention particulière. La gestion des responsabilités publiques implique de la tempérance, de surcroît quand notre objectif municipal est le "Bien-vivre Ensemble à Schœlcher" (…).
Le maire
"Deux pharmacies ne sont pas de trop pour les habitants du Grand Terreville".
Nous demeurons confiants dans le discernement dont saurons faire preuve les magistrats qui statueront sur le fond cette affaire. D’ici la conclusion du volet juridique, nous demandons à toutes les parties prenantes de ce dossier de privilégier le dialogue serein.
Luc Clémenté
♦ Sollicitée plusieurs fois par nos soins, la responsable des pharmacies Lafayette de Martinique n’a toujours pas donné suite à nos demandes d’entretiens au moment où nous rédigeons cet article.