La principale décision consignée dans le protocole d’accord du 19 février 1974 a trait à l’alignement du salaire journalier des ouvriers agricoles sur le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Cette rémunération s’élève alors à 35,46 francs dans l’industrie, le commerce et les services. Dans l’agriculture, le salaire de base est de 25,50 francs, soit 10 francs de moins que dans les autres branches d’activités.
Ainsi, l’article 1 du protocole stipule : "Un salaire conventionnel de 35,50 francs par journée de 8 heures de travail est fixé à compter de la signature du présent accord". Il s’agit du principal acquis de la grève des ouvriers agricoles de janvier et février 1974.
L’autre acquis majeur consigné est mentionné à l’article 4, à savoir le paiement des heures supplémentaires. Le protocole d’accord précise qu’elles doivent être rémunérées conformément à un arrêté préfectoral du 17 mai 1956, modifié le 21 octobre 1966. Il faut comprendre que ce travail au-delà de la journée fixée n’était pas rétribué.
Un accord en sept points
Ceci s’explique par le fait que, comme dans l’industrie sucrière, le travail journalier est encore organisé en volume de production. Il est assigné aux ouvriers et ouvrières le port de 110 à 124 régimes de bananes. La quantité dépend de l’exploitation. Chaque régime de bananes pèse de 25 à 40 kilos en moyenne.
Il en va de même pour le conditionnement des fruits en vue de leur exportation. Un nombre de cartons est fixé en début de journée qu’il convient de respecter. Ce travail dit "à la tâche" concerne aussi la pose des sacs plastiques de protection des bananiers et, bien sûr, leur coupe.
Le travail à la tâche est la règle
C’est la raison pour laquelle le protocole précise, en son article 2 : "En attendant la détermination de la tâche journalière selon le calendrier fixé à l’article 7, la tâche actuelle restera sans changement". Une précision utile : la tâche est souvent effectuée au-delà de huit heures. Il n’est pas rare de finir sa journée à la nuit tombée, tant pour les femmes que pour les hommes, quel que soit le poste de travail.
Le protocole d’accord, comprenant sept articles, est ratifié dans un climat électrique. Nous sommes moins d’une semaine après la fusillade de Chalvet, le 14 février, lors de laquelle un gréviste a été tué et quatre grièvement blessés.
Deux jours plus tard, le 16 février, c’est la découverte du corps mutilé d’un jeune homme de 19 ans à l’embouchure de la rivière La Capote, non loin de l’embuscade tendue par les gendarmes mobiles aux grévistes passant d’une exploitation à une autre.
Un climat de tension et de méfiance mutuelle
Le document est signé par la délégation patronale en premier lieu. Les signataires sont Raymond Gouyer, Guy de Gentile, Yves Bochotte, Laurent de Meillac, Ferdinand Henry et Gabin Valère. Les ouvriers tiennent à ce que les patrons signent avant eux, afin d’éviter que ceux-ci se déjugent.
Les salariés sont représentés par Marcel Décilap, secrétaire général du syndicat CGTM des ouvriers agricoles ; Victor Lamon, secrétaire général de la CGTM ; Philibert Duféal ; Emilien Saban ; William Solis ; Julienne Valdivia, Marcel Eloidin ; Paul Victorine Dupont ; Agnès (Jean) Zogron et Fernande Jaquemar.
Peu à peu, le travail reprend dans les bananeraies. La plupart des meneurs identifiés de cette grève ne sont pas réembauchés. Ce qu’ils interprètent comme des représailles après leur participation à ce conflit social historique. La victoire a un goût amer ici et là. Néanmoins, les conditions de vie des ouvriers de la banane vont nettement et rapidement s’améliorer.
Les conditions de travail connaîtront des modifications sur un temps plus long. Les habitudes sur les exploitations ayant la vue dure, plusieurs patrons békés traînent des pieds pour appliquer le protocole d’accord. D’autres mobilisations seront nécessaires pour entamer le long cycle de modernisation des exploitations bananières. Un cycle bouclé par l’adoption d’une convention collective en 1986.