Commençons par le 6 mai. En 1853, voici 170 ans, les 313 premiers des quelques 26 000 travailleurs libres en provenance de l’Inde britannique débarquent à Saint-Pierre. Après trois mois de traversée de deux océans dans des conditions atroces, ils viennent renforcer une main d’oeuvre d’autant plus rare ou révoltée que les anciens esclaves ont déserté les plantations de canne à sucre.
Deuxième date, le 8 mai 1902. C’est le jour de la catastrophe. La Montagne Pelée entre en éruption et détruit Saint-Pierre. Le cinquième de la population de l’île est tué. Un événement commémoré comme il se doit en cette année 2023, centième anniversaire de la réinscription de Saint-Pierre sur le répertoire des communes de France, dont elle avait été radiée en 1910.
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Le 8 mai, c’est aussi la signature de l’armistice mettant fin à la Seconde guerre mondiale, en 1945. La liquidation du régime nazi a été rendue possible en partie grâce au sacrifice de nos aînés. Les combattants volontaires, les fameux "dissidents" comme ils étaient surnommés au Antilles, ont joint leurs forces à celles de leurs frères d’armes des possessions françaises d’Afrique du nord, d’Afrique noire et du Pacifique.
Des dates et des faits à connaître
Quand 1% de la population française participe à la résistance, plusieurs milliers de jeunes femmes et hommes venus des quatre coins de l’empire, de Martinique aussi, prennent les armes contre Hitler. Sans elles et eux, que n’eussions-nous été allemands aujourd’hui ?
Quatrième date, le 22 mai. Il y a 175 ans, l’insurrection populaire mettant un terme au système esclavagiste ébranle les fondements de l’organisation économique, sociale et politique en place depuis deux siècles. Une page se tourne, mais l’émancipation tant attendue ne vient pas aussi aisément que les nouveaux libres le souhaitent.
Ces événements et leurs conséquences ont un point commun. Ils constituent des ingrédients différents et essentiels du vaste creuset dans lequel se fonde l’identité martiniquaise.
Concevoir un avenir commun
Force est constater que nous avons encore du mal à concevoir cet avenir commun à partir d’un passé partagé. Ne serait-ce que parce que nous avons une connaissance partielle de notre histoire, des événements majeurs qui la caractérisent, des personnages qui se sont illustrés, des évolutions que notre société a connu et digéré.
En un mot, nous ne connaissons pas grand-chose de notre histoire. Si tel était le cas, l’ostracisme contre les indo-martiniquais aurait vraiment disparu. Si tel était le cas, nous aurions évité cette controverse interminable sur la réconciliation entre descendants de colons et descendants d’esclaves. Ce discours fermé exclue ceux qui, en 2023, ne peuvent être rangés dans aucune de ces deux cases.
Ce que sont les descendants d’Indiens, mais aussi de tous les immigrés venus, au fil du temps, du Congo, du Liban, de Syrie, d’Italie, de Sainte-Lucie, d’Haïti, de plusieurs pays d’Afrique de l’ouest, de Guadeloupe et de France. Leurs enfants et les générations suivantes sont ici chez eux.
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Notre histoire nous est méconnue
Si nous connaissions les grandes heures de notre histoire, serions-nous encore emmurés dans des schémas de pensée obsolètes qui empêchent le développemennt de nos énergies et obère notre émancipation totale ? Il est vrai que l’apprentissage de l’histoire n’est pas conçu par et pour nous.
Fort heureusement, pour combler cette lacune, de nombreux historiens ont publié de nombreux livres et articles depuis de nombreuses années sur tous les thèmes possibles. A nous de nous emparer de ces sommes de connaissances pour fortifier notre conscience collective afin de permettre aux générations montantes de proclamer : "Je suis Martiniquais, ou Martiniquaise, et fier de l’être".