Les D’Achery, les Marot, les Montchery, les Ballou, les Giraud ou les Picot... des noms bien connus qui apparaissent parmi la liste des participants à la première guerre mondiale. Mais il y a aussi les anonymes issus de la population "autochtone" de Mayotte.
Une France en quête de soldats
Dès le début des hostilités en août 1914, le gouverneur de Madagascar et des dépendances, Albert Picquié, mobilise les forces militaires de la région. Cependant, à Mayotte, l'appel à la guerre semble lointain pour une population peu concernée par les événements européen et encore autosuffisant Initialement, le recrutement vise les citoyens français, principalement des Européens mais aussi potentiellement quelques indigènes ou étrangers assimilés.
Sur une population de 13 783 Mahorais, 208 sont mobilisables. Le ministère de la Guerre hésite à enrôler des Comoriens, en raison de leurs spécificités culturelles et alimentaires. Les notables et religieux locaux dissuadent par ailleurs les jeunes hommes de partir, tandis que certains colons redoutent une pénurie de main-d'œuvre pour leurs plantations.
Malgré ces réticences, environ 35 Mahorais sont enrôlés en 1917. Selon l’historienne Isabelle Denis, le contingent des Comores compte plus de 1 000 soldats, répartis comme suit : 60 % de Grande Comore, 25 % d’Anjouan et 10 % de Mayotte et Mohéli. Pour encourager les engagements, la France propose des aides financières pour les familles et promet un revenu durable aux volontaires. Ces soldats, souvent intégrés dans les bataillons malgaches ou somalis, font route vers les fronts européens dans des conditions éprouvantes.
Départ et périples des engagés vers les fronts
Le voyage vers l'Europe est long et difficile. Après des regroupements et examens médicaux, les soldats des Comores sont embarqués pour Madagascar, puis vers l’Europe, avec des escales à Mombasa et Port-Saïd. Certains désertent ou se suicident en cours de route, témoignant de l’angoisse face à l’inconnu. Arrivés en France, ils sont accueillis au camp militaire de Saint-Raphaël pour une phase d’adaptation avant d'être déployés. Moussa Mouraba de Mayotte, tombe lors de la bataille du Mont-de-Choisy en 1918
Bien que la participation des soldats comoriens reste souvent dans l'ombre, certains d’entre eux combattent en première ligne. Le 1er bataillon de tirailleurs somalis, composé de 1 700 hommes dont 75 Comoriens, participe aux affrontements de Verdun et à la prise du fort de Douaumont en 1916. D'autres, affectés à des tâches de soutien, s'impatientent, aspirant à se battre aux côtés des poilus. Lors de la bataille du Mont-de-Choisy en 1918, des soldats comoriens perdent la vie, parmi eux Moussa Mouraba, originaire de Mayotte.
Retour des soldats et oubli persistant
Le retour des tirailleurs, après l'armistice de 1918, est teinté de traumatismes et de silence. Ces soldats, souvent marqués par la brutalité des combats, reprennent une vie modeste dans leurs îles. Pourtant, leur sacrifice reste longtemps ignoré. Ce n'est qu'en 2013 que la commune de Pamandzi à Mayotte érige une stèle en mémoire des soldats mahorais tombés pour la France.
Un hommage partiel avait déjà été rendu aux tirailleurs comoriens en 1920 avec la réhabilitation de la mosquée de Moroni, mais l'histoire de leur engagement demeure largement méconnue.