Azali Assoumani , le chef de l’Etat comorien tient des propos « antisémites » lors d’un événement cultuel

Le président des Comores Azali Assoumani
Lors que le chef de l’Etat comorien louait les mérites du vivre ensemble lors de l’inauguration d’une mosquée sur l’île d’Anjouan, il dérape et tient des propos jugés antisémites

C’était le 18 août 2023. Un vendredi. Le chef de l’Etat comorien Azali Assoumani qui aime à se faire appeler « al- Imam » (guide religieux, ndlr) inaugure une mosquée à Maraharé, une localité située à Anjouan d’où est originaire le gouverneur de cette île.  Dans un habit d’apparat beige, un bonnet sur la tête, Azali Assoumani qui préside aux destinées d’un archipel très majoritairement musulman, prend le micro et loue les mérites du vivre ensemble à une assemblée de fidèles lors de la traditionnelle prière du vendredi. « Musulmans et chrétiens doivent cohabiter », a-t-il notamment dit. Et c’est là qu’il dérape. « Nous devons vivre avec les catholiques mais aussi avec les maudits juifs, que la colère de Dieu s’abatte sur eux. Les juifs sont les maitres du monde. Ils ne sont pas comme nous.  Eux (les juifs) se tiennent tapis dans l’ombre et se révèlent au moment opportun ». La vidéo d’où est extraite la déclaration a été publiée sur la page officielle du gouvernorat d’Anjouan. Elle s’y trouvait encore ce lundi. Ailleurs, elle aurait eu l’effet d’une bombe. Ici, elle est presque passée inaperçue. « Dans la langue comorienne, le terme yahudi (juif, ndlr) renvoie à quelqu’un de foncièrement mauvais. C’est quelque chose de communément admis qui n’a jamais été remis en question ni par les politiques ni par les religieux. Il est pourtant urgent que le débat soit posé et ces termes bannis », a avancé cet observateur anonyme. Pour le reste, a-t-il ajouté, « un chef de l’Etat devrait pouvoir se retenir. Mais force est de constater que ce qu’il a dit n’a heurté qu’un petit nombre de gens avertis ».

 

Le président Azali a tenu un discours consensuel, sur l'opération Wuambushu, à l’occasion de la fête de l’Aïd.

Seul à notre connaissance Yhoulam Athoumani, président des Nouveaux Démocrates, un mouvement créé il y a quelques années, s’est fendu d’une condamnation sur le réseau social Facebook, il y a quelques jours. « Les propos tenus par le président Azali sur les juifs sont antisémites, impardonnables et inhumains. La communauté internationale et l’Union africaine doivent condamner ces propos fermement », a-t-il posté. Pour ce docteur en droit public, le propos tenu par le chef de l’Etat est d’autant plus grave qu’il est également le président en exercice de l’Union africaine depuis février dernier pour un mandat d’une année. « L’un des objectifs de l’organisation panafricaine est de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent et les propos tenus par le président Azali sont loin d’aller dans ce sens », a-t-il dénoncé non sans rappeler l’existence de communautés juives en Afrique.

Pour le théologien franco-comorien Mohamed Bajrafil, la déclaration d’Azali Assoumani n’est pas surprenante. « Je n’étais pas au courant de cette déclaration du Chef de l’Etat. Elle me surprend d’autant moins que nous, musulmans, avons depuis un moment, refusé de situer les récits et personnages du Coran dans leurs contextes respectifs pour pouvoir en tirer des leçons de vie. Ainsi, condamnons-nous des innocents continuellement gratuitement soit physiquement, soit symboliquement, comme semble le faire le Chef de l’Etat ici », a-t-il observé. « Ce n’est pas de l’antisémitisme comme on l’entend et le voit en Europe. C’est bien toute autre chose. Ce sont des maladresses mélangées à de l’immobilisme religieux, qui se contente de répéter sans rien contextualiser », a poursuivi celui qui est également délégué permanent des Comores auprès de l’Unesco, une agence des Nations Unies.

« Ce n’est pas que le Comorien est antisémite. Il n’a pas été capable de s’en prendre à Bob Denard (mercenaire français ayant sévi dans de nombreux pays africains dont les Comores au lendemain des indépendances, ndlr) qui lui a fait vivre les pires misères qui soient, comment pourrait-il s’en prendre à un juif, parce que juif ? La déclaration du chef de l’Etat est la même que celle des prédicateurs qui partout dans nos mosquées prient contre les païens, qui ne leur ont pourtant rien fait », a-t-il rappelé.  

Nous avons contacté le ministre des Affaires Islamiques, Djae Ahmada Chanfi pour une réaction via la messagerie WhatsApp en vain. Le conseiller diplomatique du chef de l’Etat, Hamada Madi a décliné l’invitation à réagir « puisque n’ayant pas assisté à l’événement où la déclaration a été tenue ». Quant au porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie il a argué « qu’en tous les cas le président a un profond respect pour toutes les religions ».