Débat : Mayotte est-elle un vrai département français ?

MANSOUR KAMARDINE , AVOCAT, PRESIDENT DE LES REPUBLICAINS , ANCIEN DEPUTE
Est-ce qu’on n’a pas trompé les Mahorais sur la véritable nature du statut de leur île ? Ces questions ont été posées au cours du récent colloque sur le toilettage institutionnel de Mayotte. Voici l'analyse de Mansour Kamardine, Avocat, Président de Les Républicains et ancien député.
Tout est parti d'une communication d'un des experts invités au colloque, Laurent Tesoka, universitaire, Maître de conférence et directeur de l' Institut de Droit Outre-mer (IDOM).

Il a affirmé que "la collectivité de Mayotte n’ayant jamais exercé le rôle de Région, en tout cas pas juridiquement, n'était pas considérée comme un département tel que le sont La Réunion ou la Guadeloupe."

L'appel de Laurent Tesoka à renommer la collectivité de Mayotte "qui n’est pas un département" a ravivé le débat sur le statut de Mayotte.


Question de Emmanuel Tusevo Diasamvu : Est-ce que les Mahorais ne sont pas dans le déni alors que les experts leur disent que leur territoire n' est pas un département au sens juridique du terme ?

Réponse de Mansour Kamardine : " Revenons aux sources. La départementalisation existe dans la constitution de 1958. Elle a tiré les conséquences des 4 vieux départements d’Outre-mer.
En 1958, les Mahorais ont réclamé la départementalisation, ce qu’elle était alors en 1958. Si on se reporte à 1958,Mayotte est bel et bien un département. Il se trouve que depuis 1958, les institutions ont évolué...donc, je dirai que le statut de Mayotte est un statut de département.
Les institutions régissant le département de Mayotte sont les institutions, je dirais, d'une collectivité à statut unique et j’ajoute qu’aucune tromperie n’avait lieu puisque la question qui était posée en 2009 était claire.

Des statuts à la carte en Outre-mer


Mansour Kamardine : Je rappelle également que  l’accord du 27 janvier 2000, le fameux katiba avait bien dit que nous évoluerons dans le cadre d’une assemblée unique. Donc, on a été des précurseurs. Tous les autres viennent vers nous et donc finalement, nos statuts à nous, ca sera les statuts de droit commun. Et ça, c'est la traduction de ce fameux discours de Madiana de 2000 lorsque le Président Chirac est allé là-bas pour dire que l’uniformité des statuts a vécu, il nous faut désormais, outre-mer, des statuts à la carte. Donc, le statut du département de la Guyane est différent du statut du département de La Réunion, différent du statut du département de La Martinique, différent du statut du département de la Guadeloupe, et donc, le statut du département de Mayotte est différent des statuts  que connaissent les 4 vieux départements également.

J’ajoute que les départements d’outre-mer, bien qu’on parlait d’un même statut, les départements d'outre-mer étaient toujours, disons, spécifiques par rapport aux départements de métropole. Par exemple, les statuts d’outre-mer avaient beaucoup de compétences que les départements de métropole.Donc, je crois qu'il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise.


Mayotte s’est battue pour devenir département, elle est aujourd'hui inscrite dans l’article 73 de la constitution et régie par les mêmes textes que n’importe quel département notamment d’outre-mer.


Emmanuel Tusevo Diasamvu : Donc, pour vous, Mayotte n’est pas un département juste symbolique ?

Mansour Kamardine : Non, ce n’est pas symbolique. Nous avons, certes, des retards. Il y a des mécanismes de rattrapage à mettre en place pour faire en sorte que nous ayons les mêmes droits que tout le monde... mais, vous savez, les 4 vieux départements ont été départements en 1946, aujourd'hui encore, il y a des éléments dérogatoires par rapport au droit que connaît la métropole, par exemple, jusqu’a une date récente, le RSA versé aux populations des départements d' outre-mer était plus faible que le RSA servi aux populations de La France métropolitaine. Donc, on voit bien qu’il y eu des retards. donc des nécessités de rattrapages qui existent et qu' il faut mettre en place, je crois que ce sera le travail de la prochaine législature : mettre en place les outils de rattrapage pour qu'effectivement les mahorais vivent les mêmes droits que les autres.
Il y a, on l' a souligné, des difficultés au plan fiscal et autres, toutes, toutes ces difficultés doivent faire l' objet d' un regard plus approfondi et des réformes qui seront nécessaires pour permettre aux mahorais de jouir pleinement de leur citoyenneté dans le cadre de l' art. 73 de la constitution.

Propos recueillis par Emmanuel Tusevo Diasamvu.
 
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