Malgré le retour des pluies et le remplissage des retenues collinaires, les tours d'eau restent de vigueur à Mayotte un jour sur trois. Ce sera le cas "jusqu'à la mise en service de l'usine de dessalement d'Ironi Bé", avait annoncé l'ancien préfet Thierry Suquet, mi-février en marge de la présentation du plan de prévention contre l'introduction du choléra.
Ces quatre dernières années, la consommation d'eau a dépassé les capacités de production, notamment à cause de l'accroissement de la population, avec une croissance démographique de 3,8% en moyenne entre 2014 et 2020. La multiplication des sécheresses a aggravé cette situation, comme ce fut le cas durant l'année 2023, avec des rivières, des nappes souterraines et des retenues collinaires au plus bas durant la saison sèche.
L'évolution de la production
Si les retenues collinaires de Combani et de Dzoumogné, avec des capacités de 1,5 million de mètres cubes et deux millions de mètres cubes d'eau, permettent de maintenir la distribution durant la saison sèche, elles n'ont pas vocation à alimenter tous les foyers en continu. L'eau du robinet vient essentiellement du nord et du centre de l'île : des 14 captages de rivières, des 22 forages en exploitation et, dans une moindre mesure, de l'usine de dessalement de Petite-Terre.
Lors du dernier comité de suivi de la ressource en eau le 29 janvier, l'un des rares ouverts à la presse, la consommation d'eau était estimée entre 44.000 et 46.000 mètres cubes d'eau par jour, pour une production maximale de 40.800 mètres cubes d'eau. Un tiers venait des forages, deux tiers du captage des eaux de surface (les rivières et les retenues collinaires) et 11% de l'usine de dessalement de Petite-Terre.
Des sources de production qui ont évolué avec la raréfaction des pluies. Il y a deux ans, la production s'élevait à 35.000 mètres cubes par jour, selon le dernier schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux de Mayotte. Selon le document d'accompagnement de ce schéma, les eaux de surface composaient alors 68% de la production contre 28% pour les forages et 3% pour l'usine de dessalement, qui a depuis été étendue via des travaux qui se sont conclus en fin d'année dernière.
L'accélération des campagnes de forage
Avec l'arrivée de la crise de l'eau, la 6ème campagne de forage lancée en septembre 2023, s'est accélérée. Dix sites ont été identifiés par le BRGM, le bureau de recherches géologiques et minières. L'objectif annoncé est de produire jusqu'à 4.000 mètres cubes d'eau par jour d'ici la fin de l'année, mais ce chiffre est une estimation.
Selon le BRGM, la production exacte de chaque forage ne peut être connue qu'une fois le chantier terminé et les essais de pompage effectués. Jusqu'à présent, ce n'est le cas que de deux sites : ceux de Combani et de Coconi. Lors de la dernière réunion du comité de suivi de la ressource en eau, le début de la 7ème campagne a été annoncé pour la fin d'année, avec comme objectif une production de 3.500 mètres cubes quotidiennement d'ici juin 2025.
L'usine de dessalement d'Ironi Bé
La ligne d'horizon affichée par l'État reste donc la mise en service de l'usine de dessalement d'Ironi Bé, prévue en 2025 pour une production initiale de 10.000 mètres cubes d'eau par jour. Si cette source d'eau potable ne souffrira pas de la sécheresse, elle inquiète les associations environnementales. "L'impact d'une telle infrastructure serait catastrophique, notamment sur la mangrove, le milieu marin et sa biodiversité, mais également l'ensemble des activités de pêche et de tourisme qui en dépendent", ont dénoncé huit d'entre elles dans un courrier le 12 mars.
Au-delà de la question des capacités de production, il restera également à long terme plusieurs chantiers à terminer pour améliorer les infrastructures: le raccordement du réseau entre les différentes parties du département, la chasse aux fuites qui font disparaître dans la nature plus d'un quart de la production ou encore le développement des usines de potabilisations. Début 2022, les cinq sites avaient déjà atteint le maximum de leurs capacités.