Dr Renaud Blondé : "Malgré toutes les bonnes volontés, on a un manque de lits en réanimation à Mayotte. C’est effrayant! "

L’association mahoraise de réanimation (AMAREA) en partenariat avec le C H M et l’ARS Océan Indien a organisé les 3èmes journées mahoraises de réanimation pédiatrique les 23 et 24 Octobre 2017 au CHM. Le Docteur Renaud Blondé, réanimateur pédiatrique, dresse l' état des lieux à Mayotte.
Questions : Emmanuel Tusevo et Frahati Issouf : Quels sont les enjeux de vos réflexions sur la réanimation pédiatrique à Mayotte ?

Réponses: Docteur Renaud Blondé, médecin réanimateur pédiatrique au CHM : 
" C'est continuer à s’améliorer dans la prise en charge des enfants mahorais qui ont un pronostic vital engagé, c'est-à-dire, ceux qui ont un risque de décès dans les minutes et les heures qui viennent.

Qu'est ce que la réanimation en médecine ?

La réanimation s'occupe des patients qui sont très graves, c'est-à-dire qu’ils arrivent aux urgences dans un état gravissime. Si on ne s'occupe pas d’eux, ils vont décéder dans l’heure ou les 2 ou 3 heures qui viennent et c'est des patients qui nécessitent la réanimation, qui n'arrivent plus à respirer, qui n'arrivent plus à faire pipi seuls, ils ont besoin d'une machine pour remplacer les reins, c'est tout ce qui va remplacer les organes en fait.

Que représente la réanimation pédiatrique à Mayotte ?

La réanimation pédiatrique, c'est à peu près 200 enfants hospitalisés en réanimation adulte qui ne peuvent pas bénéficier de l' évacuation sanitaire à La Réunion.
Une évacuation sanitaire porte à porte de l’hôpital de Mayotte à la Réunion, c'est 8 heures et ce sont t des enfants qui sont proches du décès. Si on les met dans un avion, ils décèdent dans l’avion. Il faut obligatoirement les stabiliser ici à Mayotte, c'est pourquoi c'est extrêmement important d’améliorer la réanimation pédiatrique à Mayotte pour améliorer la prise en charge des enfants mahorais ici à Mayotte.

Combien de temps peut prendre une réanimation?

Une réanimation, parfois quand ça se passe très bien, ça peut prendre 3 à 4 jours. Chaque enfant est unique et quand parfois il est très malade, ça peut prendre parfois plusieurs semaines.

Si nous comprenons bien, ce sont donc des problématiques, des situations très graves auxquelles vous êtes confrontés ?

C'est la 3 ème session de réanimation pédiatrique, 3 ans de suite qu'on invite des experts parisiens, réunionnais . Moi, j’avais été engagé au CHM , il y a 6 ans , pour développer la réanimation pédiatrique.
Depuis 2 ans, nous sommes 2 réanimateurs pédiatriques sur l’île au sein de la réanimation adulte.
Au tout début, les infirmières avaient peur de prendre en charge les enfants parce qu’elles ont l’habitude de prendre en charge les adultes et , plus ça va, plus maintenant ce sont les infirmières qui se battent pour  prendre en charge les enfants parce qu’elles prennent confiance en elles et elles font des choses assez formidables à Mayotte.

Que représente la surcharge de travail en réanimation ?

Ce n’est pas en terme de surcharge de travail. On a tout à fait le matériel adapté à la prise en charge de réanimation pédiatrique à Mayotte. Ce n’est donc pas un problème de matériel, c'est un problème de place. On a un manque de place. On a un hôpital, malheureusement qui est sous dimenssioné par rapport au bassin de population qu'il draine. C'est à dire qu'on n’a que 14 lits de réanimation. Il y a un projet d’ouverture de 2 lits supplémentaires mais, même avec 2 lits supplémentaires, on a un hôpital qui est sous dimensionné.
On a les compétences médicales et paramédicales qu'il faut, ça il n'y a pas de problème, mais le gros souci, c'est le manque de place.


Ce manque de place vous met dans des situations critiques ?

S' il y a une surcharge de travail du personnel parce qu’en fait, ça peut arriver, on fait sortir les patients trop vite de la réanimation, alors qu'ils nécessitent encore un suivi en réanimation, pour prendre un patient plus grave parce qu'on n’a pas le choix. 

On a le seul service de réanimation de l’île. Si vous voulez, quand on est à La Réunion ou à Paris, si jamais il n’y a pas de place dans un service de réanimation, on l’envoie dans un autre service de réanimation.
Ici à Mayotte, ce n’est pas possible, il n'ya qu’un seul service de réanimation. Quand il y a un patient qui ne va pas bien, qui est proche du décès, il va obligatoirement faire le service de réanimation, on n'a pas le choix. On se débrouille, on fait du bricolage, c'est vrai. Après, il y a de la bonne volonté du service médical et paramédical et heureusement cette bonne volonté, ça permet de faire des miracles.


Quels sont les miracles, les exploits qui vous ont donné satisfaction et que vous n’oublierez pas de votre vie?


Il y a un enfant qui s'appelle Assoufoudine, qui avait 5 ans, qui avait été hospitalisé en 2014, qui avait un pronostic effroyable.
Comme on a branché la première assistance circulatoire, c'est à dire en fait, on remplace les poumons, c'est une première à Mayotte, on était en désaccord avec des médecins Réunionnais qui disaient que  " ce n’est pas la peine de brancher cet enfant, il va mourir, arrêtez, vous faîtes de l’acharnement thérapeutique " mais finalement, cet enfant a survécu. On a pu le sortir de réanimation au bout de 5 semaines. Finalement, c'est un enfant qui va maintenant à l’école à Tsararano et qui vient nous rendre visite tous les 6 mois et on est ravi de le revoir en vie.

Cri d’alarme en guise de conclusion :

Il nous faudra des lits supplémentaires, peut- être un deuxième hôpital mais ici, cet hôpital, malgré toutes les bonnes volontés et de l’administration, du personnel médical et paramédical qui se donne corps et âme, on a un manque de places, c'est effrayant ! Il faut un deuxième hôpital. Ca n’engage que moi.

Propos du Docteur René Blondé recueillis par EMMANUEL TUSEVO ET FRAHATI ISSOUF .

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Connaissance des disponibilités en lits de réanimation: le logiciel Capri peu renseigné :

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Simulation pédiatrique - La réanimation d'un enfant : Hopitaux Universitaires de Genève

Le programme de simulation médicale (SIMULHUG), à travers ses activités d’enseignement et de formation continue, a pour but d'améliorer les compétences des professionnels de la santé et la performance des équipes interdisciplinaires afin d'augmenter la qualité des soins et la sécurité des patients.


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