Fermeture des maternités de Mramadoudou et Dzoumogné, les sages-femmes dénoncent leurs conditions de travail

Les deux maternités ferment leurs portes dès ce lundi. Le CHM justifie sa décision suite aux difficultés de recrutement de professionnels de santé, notamment au sein de ses maternités où les naissances ne faiblissent pas.

Le CHM de Mayotte, c'est la plus grande maternité d'Europe. Depuis plusieurs années, le record de naissance est battu. En 2022, "10 730 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte, soit un nouveau niveau record" signale l'INSEE alors que la barre symbolique des 10 000 naissances a été franchie depuis 2021. Tous les jours, c'est presque 30 bébés qui naissent dans le 101e département.

Plus de naissances et moins de sages-femmes

Il est compliqué de donner la parole aux sages-femmes. Beaucoup ne souhaitent pas, par peur de représailles, certaines n'ont pas le temps, entraînées dans des gardes de 12h où "on n'a pas le temps de manger, d'aller aux toilettes...c'est ça la réalité du CHM."

Face à cette situation, certaines d'entre elles, nous ont fait parvenir un long texte, sous couvert d'anonymat. "Ce n'est pas le cadre de vie qui fait partir les sages-femmes, mais leurs conditions de travail. La preuve, de nombreuses sages-femmes, titulaires de la fonction publique hospitalière du CHM, continuent d'exercer sur le territoire mais dans d'autres dispositions: PMI ou libéral."

"Le problème du CHM, ce n'est plus de faire venir des SF, c'est de les faire rester !"

Elles rappellent que depuis deux ans, les sages-femmes font grève pour dénoncer leurs conditions de travail et aujourd'hui "nous sommes dans une situation catastrophique" où la suractivité est signalée à la hiérarchie "nous n'avons JAMAIS eu de réponse de la part de la direction, aucun signe de soutien, aucune reconnaissance du travail effectué en dehors du cadre sécuritaire pour les patientes et des sages-femmes."

Fermetures des lits d'hospitalisation de zone tampon depuis un an et demi, aucune solution apportée pour pallier le manque de lit malgré une activité qui ne faiblit pas. Heures supplémentaires pouvant atteindre des sommets (300h pour certaines) que l'on nous interdit de récupérer. On nous impose des heures supplémentaires rémunérées, ce qui n'était pas le choix premier de la plupart des sages-femmes qui sont épuisées par le rythme et auraient voulu du temps de repos supplémentaire, pour voir leurs familles vivant à des milliers de km par exemple. Cependant une grande partie du personnel n'a pas été payée de ces heures à cause de manquements administratifs de la part de nos encadrants et des services administratifs. À ce jour nous n'avons aucun délai quant aux paiements de ces heures.

Des sages-femmes du CHM

Le climat au sein de la maternité risque de se tendre encore un peu plus. "Quand on voit de quoi la direction est capable pour faire venir des sages-femmes de l'hexagone, avec des durées de contrat au choix alors que celles sur place sont harcelées pour remplacer des collègues absentes, voient leurs périodes de congés supprimées ou décalées, n'ont pas droit aux congés bonifiés, sont convoquées lorsqu'elles osent signaler des situations problématiques, c'est écœurant et cela ne donne pas envie de rester."

Jean-Mathieu Defour, le directeur général du CHM expliquait, vendredi soir dans le journal télévisé, que "le recrutement de sages-femmes est extrêmement compliqué à Mayotte mais également partout en France. L'effectif total au CHM, c'est 170 sages-femmes, en général, on navigue autour de 120,140 sages-femmes, en juillet/août, on sera à 90 sages-femmes, du coup on préfère diminuer le nombre de lits."

Une prime de 10 000 euros ou des contrats courts pour attirer les sages-femmes

Le CHM s'apprête à proposer une prime exceptionnelle pour les sages-femmes souhaitant rejoindre Mayotte pour au moins un an. "Nous venons d'apprendre que la direction va offrir une prime de déménagement de 10 000 euros". Celles arrivées dans le département depuis "plus d’un an au 1er janvier 2023 ont bénéficié d'une prime de fidélité de 600€. 600€ de plus si elles étaient la depuis 2 ans."

Cet été, sur la base du volontariat et pour des contrats de dix jours minimum, des sages-femmes de l'hexagone sont attendues à Mayotte tout comme des médecines urgentistes, généralistes ou encore des infirmières diplômées d'Etat et des pédiatres. Selon un document de l'ARS de la région Provence Alpes Côte d’Azur, 25 sont attendues en juillet, 25 autres en août et 12 en septembre. "Vigilances car les renforts inscrits dans la clé de répartition sont exprimés en Emploi Temps Plein, ce qui multiplie le nombre de renforts à rechercher si les durées de contrats/mises à disposition sont courtes (1 semaine, 2 semaines) afin de respecter la clé de répartition par région" stipule le document.

Jean-Mathieu Defour soutient lui qu'une prime d'intéressement est en place, chaque année, aux alentours de 1 800 euros. "C'est faux" nous dit une sage-femme, "ça fait 5 ans que je suis là, j'ai reçu la prime pour la 1ère fois, une prime de 1 200 euros car je ne touche pas la prime de mobilité dans les différentes maternités du CHM."