Fuite des cerveaux : Mayotte va-t-elle perdre ses talents ? Le cas d’ISSOUF MOHAMED, Docteur en Sciences de la Vie et de la Santé.

Nous avons rencontré, au Grand Séminaire de Mayotte, GSM 976, un jeune Mahorais, Issouf Mohamed, Docteur en Sciences de la vie et de la santé.
A l'exposé de son parcours et de ses travaux de recherche, je me suis demandé s'il ne s'installerait pas un jour à l’étranger. Mayotte serait perdante.
Entretien : 

Emmanuel Tusevo : Qu'est ce que vous faîtes dans la vie ?

Issouf Mohamed :
Dans la vie, actuellement, je suis contractuel. Je suis enseignant au collège de Kwale mais je fais aussi de la recherche avec l’université de Montréal au Québec.
En ce moment, je travaille sur l’asthme sévère avec le modèle sur le cheval. J’étudie la modification des bronches chez les personnes qui sont asthmatiques.

Conférencier et membre du GSM 976, sur quels thèmes êtes-vous intervenu lors de la récente édition 2017 du GSM ?

Nous avons eu une conférence sur la dynamique de la population de Mayotte et sur l’agriculture, à savoir, quelle est l’agriculture à Mayotte, comment protéger les ressources ? Comment faire pour que l’agriculture de Mayotte se développe et soit une agriculture durable et respectueuse de l’environnement?

Moi, je suis intervenu pour parler de la santé animale et des travaux de recherche que j’effectue dans le laboratoire où j'effectue mon doctorat. J’ai parlé des parasites des moutons, des chèvres et de la recherche des moyens de lutte contre ces parasites.

Qu'est ce que vos travaux de recherche ont produit comme résultats?

Mon projet de recherche m'a permis d'identifier des cibles biologiques qu'on peut utiliser pour développer des médicaments afin de traiter des animaux infestés.

Et puis, si je parle de manière globale de ce qu'on a vu au GSM 976, on est venu à la conclusion que les ressources sont en danger. Il faut prendre des actions très rapidement pour protéger les ressources, afin de pouvoir développer une agriculture qui soit viable, et aussi pour protéger la santé de la population puisqu' il y a une utilisation non contrôlée de certains produits phytosanitaires qui sont dangereux pour la santé et on a aussi oublié des aliments, qui étaient utilisés par nos grands parents et nos parents, qui sont très riches et qui sont bons pour la santé et qu' on ne retrouve pas aujourd'hui. on peut parler de la citrouille qu’on ne voit pas beaucoup, il y a certaines courges qu’on ne voit pas beaucoup dans les marchés.

Vos recherches, vous ne les avez pas menées seulement avec les chevaux du Canada, vous avez aussi expérimenté des choses à Mayotte, qu’est ce que vous pouvez nous faire partager?

Au niveau de Mayotte, j' ai effectué un stage en 2008 au laboratoire vétérinaire, j' ai cherché, par curiosité, à savoir ce qu' on avait à Mayotte comme parasites et c'est vrai qu' à Mayotte, on a du bétail assez maigre, on voit des animaux atteints de diarrhées, je n' avais vu aucune étude pour voir s'ils sont infestés de parasites et comment  on pouvait améliorer leur rendement en viande, en lait,etc... donc ce type de recherches que je mène peut contribuer à développer des méthodes vraiment spécifiques pour Mayotte qui permettent d' avoir une agriculture vraiment saine, d'avoir des animaux qui sont sains pour l' alimentation, mais aussi un rendement important, ce qui est très important pour les agriculteurs.

Ca peut aussi contribuer à la protection de l' environnement, on peut, avec les recherches que je mène, étudier l' impact de nos activités sur notre biodiversité. En fait,  le champ est très large puisqu' à Mayotte,  on a beaucoup de plantes en alimentation et en plantes médicinales qu'on n' a pas investiguées, on peut aussi par la recherche les investiguer, pour les valoriser et pourquoi pas les exporter à l'étranger.

En conclusion, quel est l’intérêt de vos travaux pour Mayotte ?

L’intérêt de mes travaux pour Mayotte, c’est vraiment de pouvoir répondre d’une manière scientifique, c'est-à-dire avec des techniques et des données qui seront validées par des pairs à des problèmes qui sont posés ici.

Mayotte est une île où il y a des diversités très riches .On a 25% de diversités endémiques qu’on ne trouve qu’ici, qu’il faut protéger, mais aussi qu’il faut valoriser.Lorqu’on va parler à la population de la manière dont il faut protéger notre biodiversité, c’est de leur démontrer que cette biodiversité est un atout pour nous tous, notamment les plantes médicinales, les cultures d’aliments  que nous avons ici et qui sont bénéfiques pour la santé. En leur démontrant qu’elles sont bénéfiques, qu’on peut les protéger, qu’on peut les produire, les valoriser pour faire rentrer notamment des devises ici à Mayotte, ça serait quelque chose de très important.

Il faut penser aussi à protéger l’environnement par rapport à nos activités puisque nous devons produire, nous devons avoir des activités mais nous devons mesurer l’impact de nos activités sur notre biodiversité et ce type de recherches que nous faisons en biologie et en santé publique permet de prévenir ces types de désagréments et de trouver des solutions solutions pérennes. 

A l' issue de cet entretien, Issouf Mohamed fonçait à l' aéroport de Pamandzi pour un voyage au Canada. Je me suis dit : " Mayotte n'est pas à l' abri de la fuite des cerveaux. Il serait judicieux d'anticiper ce fléau en proposant aux jeunes diplômés mahorais des conditions de travail, de vie et de rémunération dignes d'un département français à part entière."

EMMANUEL TUSEVO DIASAMVU