Le gouvernement en passe de permettre au préfet de démolir sans jugement les constructions illégales insalubres

Un amendement au projet de loi Elan voté en mai dernier à l’Assemblée nationale et confirmé dans la nuit de mardi au Sénat prévoit de donner le pouvoir au préfet de Mayotte pour détruire sans décision de justice les habitations illégales et insalubres et en expulser les propriétaires.
 

Après avoir été adopté au mois de mai dernier à l’Assemblée Nationale, le projet de loi Elan, pour Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique, est en ce moment à l’étude au Sénat. Et un article concerne plus particulièrement Mayotte. Le gouvernement a proposé lors de l’étude à l’Assemblée Nationale un amendement pour donner tous les droits aux préfets de Mayotte et de Guyane pour procéder à la destruction d’un habitat illégal en situation « informel » et à l’évacuation des personnes y vivant. Un habitat informel est un logement non relié à l’eau potable, n’ayant pas de réseaux de collectes des eaux usées ou n’ayant pas un accès via une route sécurisée et salubre. A Mayotte, ce sont les « bangas », que le gouvernement chiffre à 20 000 soit 100 000 habitants, qui sont visés.

Pour le moment, la démolition de telles habitations doit être validée par un juge et faire l’objet d’un avis préalable du Coderst, le Conseil départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques. Le gouvernement justifie cette volonté d’arrêt de la nécessité d’une validation de la justice en estimant que cela n’était pas « réaliste dans le cas de Mayotte (…) sauf à engorger immédiatement les tribunaux. » Dans son exposé à l’Assemblée nationale, le gouvernement évoque la mort le 11 janvier dernier à Koungou d’une mère et de ses 4 enfants vivant dans un banga à la suite d’un glissement de terrain. Ce drame rappelle selon lui « la nécessité d’endiguer rapidement le phénomène ».

Une fois notifiée de la démolition prochaine de leur logement, les familles auront un mois pour quitter les lieux. « Il y a une extension considérable de ces bidonvilles, a expliqué Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, au Sénat mardi soir. La situation à Mayotte est difficile et on sait l’arrivée des migrants qui arrivent des autres îles des Comores. Il y a une urgence, c’est stopper la prolifération de ces bidonvilles. On fait tout ce que l’on peu pour résorber ces difficultés je pense mais ça va encore prendre du temps. »

 

« Au lieu de financer des démantèlements, finançons plutôt l’amélioration de l’habitat »

Les sénateurs socialistes et communistes ont tenté de s’opposer à cet article mais en vain. Selon eux, aucune solution de relogement ni d’hébergement d’urgence viable existe et détruire ces habitations ne ferait que les faire reconstruire un peu plus loin. « Au lieu de financer des démantèlements, finançons plutôt l’amélioration massive et progressive de l’habitat et de son environnement », a demandé Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis.
Pour Jean-Baptiste Eyraud, fondateur et porte-parole de l’association Droit au logement (DAL), la démolition n’est pas la solution : « Normalement, quand on a des quartiers informels, on régularise, on viabilise, a-t-il expliqué à nos confrères de Reporterre. C’est ce qu’on appelle la résorption des habitats insalubres. Cette mesure est une mesure néocoloniale. »

Cet article ayant été approuvé par l’Assemblée nationale et le Sénat, il sera validé définitivement lors de l’adoption de la loi Elan, ce qui devrait être le cas, sauf retournement important de situation.

Retrouvez les discussions au Sénat sur cette question (à partir de 57’11’’) :