Grève au CHM : Un " Plan Marshall " pour une vraie politique de santé à Mayotte.

Les médecins et personnels hospitaliers du Centre Hospitalier de Mayotte CHM ont été en grève mercredi 11 Mai 2016 à l’appel de l’Intersyndicale : CFDT, CGTma, FO, CFE-CGC, SUD SOLIDAIRE et le Syndicat des praticiens hospitaliers de Mayotte. Ils dénoncent le manque d' effectifs.
Ils étaient près de 200 à battre le pavé à 9 heures entre le CHM et la direction de l’antenne de Mayotte de l’Agence Régionale de Santé ARS Océan Indien où ils ont demandé à être reçus par la directrice.
Les grévistes sont plus nombreux mais beaucoup d' entre eux ont été réquisitionnés.
 
" C'est ça le problème pour nous médecins et personnels hospitaliers, nous ne pouvons pas nous arrêter tous, nous ne sommes pas à l’EDF où on peut couper le courant ou à la SNCF où on peut supprimer les trains. L’hôpital continue de fonctionner pour les urgences et les consultations", a expliqué le Docteur Gérard Javodin, Président du Syndicat des Praticiens Hospitaliers de Mayotte.

 Insuffisance des effectifs

Une des principales revendications des grévistes porte sur l’insuffisance des effectifs pour faire face aux demandes de soins grandissantes dans l’île à cause de l’immigration.

" Nos capacités humaines et hôtelières sont saturées pour des raisons que tout le monde connaît aujourd'hui : l’immigration galopante", souligne Gérard Javodin.
 
" On est un hôpital qui a vocation de soigner les habitants de Mayotte mais on constate que c'est carrément tous les ressortissants de la région de l’Océan Indien (Comores, Madagascar...) qui viennent se faire soigner à Mayotte...L’immigration clandestine y est pour quelque chose par rapport à cette surcharge d’activité au CHM", ajoute pour sa part MADI ASSANI , technicien de Laboratoire et délégué syndical CGTma Santé
 

" L’hôpital prévu pour 300 lits accueille aujourd'hui le triple des malades. Dans une chambre prévue pour 1 ou 2 malades, le nombre est multiplié par 2. Un lit d’hospitalisation est occupé par 2 personnes, les chambres et LES COULOIRS de l’hôpital sont remplis à cause de l’afflux des malades de toute la zone de l’océan indien. On a du retard de prise en charge correcte de certains malades qu’on doit opérer par manque de lit", déclare Mohamed El Amine, infirmier de bloc opératoire, agent hospitalier depuis 25 ans.


 15 à 20 césariennes par jour

L'inadéquation entre l'afflux des personnes en demande de soins et les effectifs des soignants dégrade les conditions de travail au CHM.

" Les gens sont à bout physiquement. Ils ont peur de commettre des erreurs médicales majeures. Ils ne veulent pas continuer de travailler dans ces conditions... Au niveau de la maternité, il y a eu 9000 accouchements en 2015 et depuis le 1 janvier 2016, nous en sommes déjà à 1500 accouchements et on fait 15 à 20 césariennes par jour ", ajoute encore le Docteur Gérard Javodin."
 
" Il est imminent de faire bouger les choses. Il y va de la santé du personnel. Un agent est obligé d’assumer le travail de 2 ou 3 de ses collègues. On travaille trop, on est épuisé, ça conduit au burn out... tout le monde est en danger et si le personnel est en danger, il ne peut que mal soigner. Il faut soit stopper l’immigration, soit donner les moyens de travailler dans des conditions requises... Mayotte est vraiment oubliée au niveau de ses besoins de santé", insiste MADI ASSANI.
Il souligne qu’au laboratoire de l’hôpital, le logiciel ne répond plus aux demandes d’enregistrement des dossiers. Chaque jour, le personnel est obligé de rattraper le travail des 2 ou 3 jours précédents. 


Manque d' attractivité du territoire de Mayotte 

Les Praticiens Hospitaliers de Mayotte se battent depuis plusieurs années pour faire entendre raison aux autorités du département et de la métropole sur la nécessité et l'urgence de favoriser l'attractivité du territoire afin d'inciter plus de médecins à venir travailler à Mayotte.

 Ils avaient demandé une indemnité particulière IP d' exercice temporaire à Mayotte mais celle-ci leur a été accordée mais pas comme ils le souhaitaient , c'est à dire une indemnité défiscalisée pour qu' elle soit attractive.

" Aujourd'hui, beaucoup de praticiens renvoient leurs familles, femmes et enfants en métropole à cause de l’insécurité à Mayotte. Nous demandions cette indemnité défiscalisée notamment pour permettre à ces praticiens de maintenir les liens familiaux en se rendant en métropole 4 ou 5 fois par an pour voir leurs femmes et enfants. Ce n’était pas une demande de revenus complémentaires. Les conséquences du refus des autorités se ressentent aujourd'hui dans les recrutements qui ne sont pas au rendez-vous et les médecins en exercice sur le territoire sont saturés", a encore souligné Gérard Javodin.
 

Face à cette situation, le CHM supplée au déficit d'effectifs en faisant appel à des contractuels mais ce système risque de dégrader l’esprit d’équipe et les rapports entre titulaires et contractuels remplaçants.

" Nous sommes 70 médecins titulaires sur 190 postes. On offre beaucoup d'avantages aux contractuels au niveau salaires, voitures, logements, sécurité mais les titulaires et les contractuels de longue durée pour 4 à 5 ans sont traités différemment, des frustrations commencent à naître vis à vis des remplaçants dont on a besoin... il faut une équité de traitement sur Mayotte", insiste Gérard Javodin.


 Un " Plan Marshall " pour une vraie politique de santé

Les grévistes réclament un Plan Marshall 2016 - 2017 en attendant la concrétisation des projets à long terme.

" On nous parle d’un hôpital restructuré dans 6 ou 7 ans mais qu’est ce qu’on offre aujourd'hui pour la population de Mayotte ? Nous voulons une réponse immédiate en espace médical, hôtelier et en ressources humaines. Il nous faut  une structure légère  qui va faire le pont en attendant le projet prévu dans 6 ou 7 ans », conclut le Docteur Javodin Gérard.

EMMANUEL TUSEVO DIASAMVU