L’illusion de richesse

Je disais donc que dans le rapport 2016 de l’IEDOM, on lit que le PIB/habitant de Mayotte « se place entre deux des économies les plus avancées de la région, en-dessous de celui des Seychelles et juste au-dessus de celui de l’Ile Maurice ».
Mais il se trouve que ces chiffres de PIB/habitant ne peuvent pas être utilisés en tant que tel pour établir une comparaison car il manque un élément essentiel : la parité de pouvoir d’achat. Mais quésaco ? C’est la conversion des PIB nominaux dans une monnaie commune utilisant à la fois le taux de change entre les monnaies et le rapport des niveaux de prix. Par exemple à Mayotte, il faut 14 € pour acheter un kg de viande. Et, 14 € valant environ 50.000 Ar à Madagascar et le kg de viande coûtant 10.000 Ar, un Malgache qui gagnerait 14 € achèterait 5 kgs de viande et aurait donc un pouvoir d’achat 5 fois supérieur à celui d’un Mahorais qui gagnerait la même somme.
En prenant en compte la parité de pouvoir d’achat en dollar international, le PIB/habitant de Mayotte passe largement en dessous des PIB/habitant de ces deux économies, à 58% de celui de l’Ile Maurice et à 44% seulement de celui des Seychelles.
Alors, c’est bien de gagner plus d’argent que les autres. Mais le gouffre de la vie chère enlève toute valeur à cet argent gagné à la sueur de notre front. Dans notre économie de comptoir où nous importons presque tout, le coût de la vie est encore plus élevé que dans n’importe quelle région de l’Union Européenne, ce qui implique qu’en réalité notre PIB/habitant en parité ou en standard de pouvoir d’achat est encore plus faible qu’annoncé par Eurostat.
Voici donc une population française et européenne armée d’une des plus fortes, sinon la plus forte monnaie du monde, évoluant dans un bassin de monnaies et de coûts de production faibles, et dont paradoxalement le pouvoir d’achat est le plus faible non seulement des régions d’Europe, mais aussi des pays les plus avancés de l’océan Indien.
Depuis la fin de la grande grève de 2011, tout le monde connaît la solution. Mais malgré tous les efforts de l’Europe, Mayotte continue de se mettre des chaînes et de se créer des blocages artificiels, dans le pur style de cette bureaucratie à la française, célèbre dans le monde. Il suffirait de décortiquer la structure de nos besoins et la structure de notre balance commerciale, puis d’utiliser les multiples ressources européennes pour renforcer nos échanges dans la zone et améliorer non seulement le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi les coûts de construction des équipements structurants.
A condition que Mayotte cesse d’être une machine à privatiser sans discernement l’argent public.