Ils ont presque tous le même profil. D'anciens militaires, natifs du département, souhaitant " venir à Mayotte par rapport à la situation sécuritaire actuelle et apporter mon expérience à mon île." Ils ont tous fait des sacrifices financiers pour pouvoir s'installer à Mayotte, souvent en venant sans leur famille. Par peur des représailles et pour la suite de leur carrière, ils ont souhaité garder l'anonymat. Ils se sont confiés dans un groupe qu'ils ont nommé "Souffrance PM Koungou".
"Je suis à bout moralement, physiquement et psychologiquement"
Ils pointent du doigt le fonctionnement de la police municipale de Koungou orchestré par leur hiérarchie. Le mal, lui, au sein de ces agents est profond "je vis très mal cette situation, ma famille aussi le vit mal, au point où j'en suis arrivé, je suis obligé de prendre des médicaments pour pouvoir dormir." Un de ses collègues renchérit : "Là je suis à bout moralement, physiquement et psychologiquement."
Ceux qui ont témoigné, dix agents sur la trentaine que compte le service, signalent une relation dégradée entre leur responsable et les plus anciens du service. "Je vois une certaine tension entre ce même chef et les anciens" nous dit un policier municipal quand un autre ajoute que sa hiérarchie lui a "dressé un diagnostic rapide, me précisant qu'il me faudra bien choisir mon camp si je veux avancer et évoluer vite au détriment des anciens".
"Ceux qui ne veulent pas travailler, ils peuvent partir" dit le maire de Koungou
Contacté, le maire Assani Saindou Bamcolo va à l'encontre de ses propos. Lui est "derrière mon directeur, ça c'est sûr, je vois le travail qu'il veut accomplir et les projets qu'il veut mettre en place comme la vidéosurveillance maintenant il faut les agents qui vont avec. Ceux qui ne veulent pas travailler, ils peuvent partir."
Un des policiers visé raconte un événement qui l'a touché. À cette période, des travaux sont effectués sur la RN1 qui traverse le village de Koungou. La circulation alternée mise en place entraîne des embouteillages conséquents. Pour réguler le trafic, " le directeur a pris les vieux avec qui il ne s'entendait pas pour les mettre toute la journée à réguler la circulation en plein soleil. Pour nous tous, c'était une action punitive donc on se relayait tous les 1h30 pour les soulager". Le but selon un autre policier municipal "nous pousser à mettre à mal les anciens afin de les pousser vers la sortie ou dans un autre service de la mairie."
"C'est une fille à problème" suite à la tentative de suicide d'une agente de surveillance de la voie publique
Selon les témoignages, "beaucoup de choses se sont passées, au sein même de la police municipale, intimidation, menace, propos dénigrant et j'en passe". Beaucoup pointent du doigt le non-versement des primes. L'un d'entre eux revient sur l'événement qui l'a touché, une tentative de suicide d'une ASVP. "C'est à cause d'eux si elle est passée à l'acte, et là, pareil, la réaction de la hiérarchie m'a laissé sans voix : "C’est une fille à problème, elle n'a pas sa place ici". Ça ne s'arrête pas là, cela continue et continuera parce que ce directeur ne commande que de cette manière."
Là encore, Assani Saindou Bamcolo est en contradiction avec ses agents " Il y a une bonne volonté de reconstruire une police municipale. Les agents présents, c'est vrai, ont beaucoup de travail comme on est en sous-effectif. Mais il y en a aussi qui ne veulent pas travailler, aujourd'hui certains ne sont pas prêts à suivre."
En mairie, le constat n'est pas partagé par tout le monde. C'est le cas pour cet agent qui choisit lui aussi de rester anonyme "Il a peut-être des méthodes pas catholiques mais avant que le directeur soit nommé, c'était déjà le bordel dans le service. Pourquoi aucune opération du parquet ou de la gendarmerie n'est montée à Koungou ? Parce que certains de la police municipale s'empressent de donner l'information aux personnes concernées".