« Quand on quitte Mayotte, on est lessivé, c’est l’un des postes les plus durs de la préfectorale » confiait en privé Jean-François Colombet, le prédécesseur de Thierry Suquet. En juin 2021, l’île passait d’un pic épidémique à un pic d’insécurité. Les cambriolages se multipliaient, ainsi que les caillassages de bus scolaires. Le gouvernement avait alors choisi un haut fonctionnaire expérimenté dans la matière : Thierry Suquet, précédemment chargé de la sécurité en région Rhône-Alpes.
Chacun attendait le préfet Suquet sur le rétablissement de l’ordre, la destruction des bidonvilles, ainsi que la lutte contre l’immigration clandestine. Le curieux nom de « Wuambushu » n’était pas encore entré dans le vocabulaire, mais les missions étaient déjà les mêmes : lutte contre la délinquance, expulsion des immigrés clandestins, résorption de l’habitat insalubre.
Durant son séjour, le préfet se verra doté des effectifs supplémentaires de police et de gendarmerie promis lors de la crise de 2018. « On interpelle de plus en plus, et on expulse de plus en plus » se félicitait-il sur Mayotte la 1ère en novembre 2022. On le verra à l’œuvre au lancement de l’opération Wuambushu en avril 2023, n’hésitant pas à chausser les baskets pour arpenter les amas de tôle des bangas détruits.
Estelle Youssouffa : « il est temps que vous partiez »
Sur le plan politique, Thierry Suquet avait aussi été chargé de faire avancer les discussions sur la « loi Mayotte ». Peu de temps après son arrivée, il soulignait la « rapidité nécessaire » avec laquelle il fallait mettre en œuvre de cette « loi urgente et essentielle pour le département ». Il évoquait une « convergence de vue » avec le président du Conseil Départemental Ben Issa Ousseni . Ces concertations ont avancé, certes, mais à pas de tortue. Trois ans plus tard, le gouvernement et les élus locaux sont toujours à l’ouvrage.
Plusieurs élus mahorais auraient voulu qu’il reste, excepté la députée Estelle Youssouffa. « Il est temps que vous partiez ! » lui avait-elle lancé, lui reprochant d’avoir voulu faire lever de force des barrages érigés par les citoyens ; « c’est entendu » s’était-il contenté de répondre.
Les collectifs avaient eux aussi demandé son départ pour les mêmes raisons, mais ces injonctions entrent peu en ligne de compte dans les mouvements perpétuels de la préfectorale.
Thierry Suquet va rejoindre Avignon, la cité les papes, préfecture du Vaucluse. Il retrouvera sur place un dossier qu’il connait trop bien : celui des mineurs étrangers isolés. Le conseil départemental du Vaucluse a décidé en décembre dernier de ne plus en prendre davantage en charge, s’estimant déjà débordé avec …135 mineurs dépendant de l’aide sociale à l’enfance ! Le préfet se souviendra alors que Mayotte est décidément un département hors normes.