Le miel pourrait devenir « l’or jaune de Mayotte ». Jusqu’à ce jour sa production est confidentielle. Quelques apiculteurs et quelques ruches perdues dans la végétation. Tout pourrait changer dans les années à venir avec un projet de développement de la filière miel.
•
Avec rucher-école, label et étiquetage
Un mauvais sentier tracé dans une végétation luxuriante. Difficile à repérer pour un éventuel pilleur de rucher. Des bananiers, des manguiers, des arbres à Letchis. Au bout de quelques dizaines de mètres les ruches apparaissent. Les vols des ouvrières zèbrent l’air lourd du sous-bois.Douze ruches en pleine activité ! De petites abeilles noires qui partent dans toutes les directions dans un rayon de trois kilomètres pour recueillir le pollen. «Nos abeilles sont de la même famille que celles de La Réunion. Des « Apis mellifera » ! Elles sont uniques ! » explique Moussa. Et fièrement :« c’est pas comme à Madagascar ou à la Réunion, nos abeilles n’ont jamais été hybridées ! » Des abeilles pures… pour un miel pur.
Des abeilles adaptées au climat
Des abeilles adaptées aux températures tropicales et au climat de Mayotte. Elles ne sont pas atteintes par les maladies comme dans d’autres ruchers de l’océan Indien.Revers de la médaille, l’Apis Mellifera de Mayotte n’est pas facile à domestiquer… Elle ne construit les alvéoles qu’avec sa propre cire… Inutile donc de lui fournir des cadres avec de la cire d’ailleurs…
Capturer un essaim sauvage en quête d’une ruche devient aussi beaucoup plus difficile qu’ailleurs. Ali, le technicien de l’association « N’Guizi Gnochi» a sa méthode. Il est installé sur les hauteurs de Sada. Il piège les essaims en posant à l’intérieur d’une ruche posée sur la terrasse devant sa maison un bâtonnet qui dégage l’odeur d’une Reine. « J’ai récupéré six essaims depuis quelques mois ! ».
Le phénomène est toujours spectaculaire : « J’ai entendu un bourdonnement, comme un petit avion. Ca s’est rapproché ! » Il lève la tête et désigne le blanc immaculé de son plafond : »un nuage d’abeilles ! Tout est devenu noir. L’essaim cachait même la lumière ! ». En quinze minutes, la totalité des abeilles, serrées autour de leur Reine s’est coulée dans la ruche. Une colonie d’environ 30 000 insectes.
Moins de miel mais plus naturel
Moussa se dirige vers une des ruches. Il est protégé de pied en cap par sa combinaison d’apiculteur. D’un geste sûr il ôte le toit de la ruche. Enfume l’essaim pour le calmer. En vain. Il est dans un nuage d’abeilles qui cherchent à le piquer à travers sa protection. Heureusement épaisse.« Là, c’est la saison du miel ! J’ai tout vérifié. Mais je n’ai pas tout récolté parce que si on prend tout elles vont déserter ! » Moitié, moitié !
Cette ruche comme celle de chez Ali à Sada va être déplacée dans le futur rucher-école qui dépend du Lycée agricole de Coconi. Un projet qui demande une très bonne organisation et une connaissance fine des abeilles mahoraises et de leurs habitudes. Une ruche ne se transporte pas à n’importe quel moment et dans n’importe quel niveau d’activité.
La vie d’une ruche s’accorde avec le climat. « A l’époque on disait qu’à Mayotte la floraison c’était en juillet-août. Nous, c’est quand on a la floraison qu’on a le miel à Mayotte » explique le Président de l’association. Précisant sa pensée : « Nous à Mayotte on n’aura pas beaucoup de miel comme en France. Parce qu’en France on a l’hiver. Et qu’avant l’hiver les abeilles sortent pour stocker ! Alors qu’ici elles ne stockent pas : il fait beau toute l’année ! Il y a des fleurs toute l’année ! Elles travaillent toute l’année ! ». Conclusion de notre apiculteur-météorologue : « Ici, avec trois hausses on n’a pas vingt kilos comme en France ! Dix kilos au maximum ! »
Atout qualité
La production de miel est confidentielle à Mayotte. Un peu plus d’une vingtaine de ruches recensées. Une centaine de kilos peut-être. Ici, l’apiculture est une activité annexe.Le miel est pourtant connu et récolté depuis des siècles. Mais en saccageant les essaims. Les ruches sauvages repérées dans des troncs d’arbres sont brûlées avec leurs occupantes. Puis le miel recueilli. La dernière production de l’essaim brûlé…
Des méthodes abandonnées depuis longtemps par nos voisins. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : cent cinquante tonnes par an à La Réunion, au moins trois mille à Madagascar. Loin il est vrai des cent quarante cinq mille tonnes chinoises.
Mais… mais… mais… la qualité est de moins en moins au rendez-vous. Et plus la demande augmente -+61% en 6 ans- plus la qualité chute. « Le miel adultéré (modifié ou falsifié) est le principal fléau pour l’industrie apicole » déclarait un spécialiste lors d’un récent congrès de l’Union Nationale de l’Apiculture française.
A cela s’ajoute un chiffre aussi inquiétant : 75% des miel contient des traces plus ou moins importantes de pesticides.
Les miels mis sur le banc des accusés proviennent essentiellement d’Asie. Une réalité qui ouvre des perspectives aux producteurs qui mettent en avant la qualité. Comme à Mayotte.
Beaucoup reste à faire. C’est en cours ! « On a de la chance ! Dans le monde entier on est presque les seuls à avoir du miel pas hybridé ! « s’enthousiasme le Président. Il ajoute :« L’introduction de Reines extérieures et de produits de la ruche est interdite ! ».
La création récente de l’Association N’Guizi Gnochi va dans ce sens : regrouper les petits producteurs de miel, enseigner les bonnes pratiques et s’organiser pour la vente !
Ali de préciser « Actuellement il n’y a pas de miel de Mayotte ! Il vient de Madagascar. Le miel du marché n’est pas de chez nous ! » Il conclut : « On veut fabriquer notre propre miel ! Naturel ! Bon ! Tout le monde va aimer » conclut-il.
Création de l’Association d’apiculture, plan de développement à échéance de 5- 6 ans, création d’un rucher-école et d’une formation apiculture au lycée de Coconi.
Dans quelques années le miel doré et parfumé de Mayotte pourrait bien trouver sa place dans les productions recherchées de l’île. En complément de l’Ylang et de la vanille.