Mort d’une fillette de 11 ans à la Grande-Comore faute d’oxygène

Une fillette est morte vendredi dernier parce qu’il n’y avait pas d’oxygène aux Urgences de l’hôpital de Mitsamihuli. Le médecin chef soutient que « cela fait bien longtemps qu’elles en sont dépourvues ».

« Chazna a lutté pour respirer »

Il aura suffi de deux publications sur Facebook le 05 février dernier pour que la toile s’émeuve, s’enflamme, s’indigne.  Deux publications d’un père désemparé. La première est celle-ci :« urgent, ma fille a besoin d’oxygène à l’hôpital de Mitsamihuli » et moins d’une heure plus tard, cette autre qui tombe comme un couperet :

ma fille unique vient de rendre l’âme.

 

Chazna et son père

Les internautes indignés ne manquent pas d’établir une mise en parallèle « édifiante » :  un gouverneur d’Anjouan évasané dans un avion sanitaire vers Nairobi pour cause de Covid-19 alors que pratiquement au même moment Chazna, une fillette de 11 ans se mourait par défaut d’oxygène, à l’hôpital de Mitsamihuli, capitale du nord de la Grande-Comore, située à une quarantaine de kilomètres de Moroni.

Rencontrée chez elle ce lundi à Mitsamihuli, Zahara Mkouboi, la mère de Chazna , pudiquement, choisissant ses mots, reprendra tout d’abord ceux de sa fille dont l’état de santé préoccupant et nécessitant un voyage à l’étranger s’est brusquement dégradé vendredi en soirée:

 maman je n’arrive pas à respirer, j’ai du mal à respirer .

Chazna était tellement mal qu’elle n’arrivait pas à tenir sur ses jambes. Rapidement, les parents se ruent à l’hôpital, situé à quelques mètres du foyer familial, leur fille dans les bras : « j’ai vu Chazna chercher  désespérément de l’air, elle s’est tellement débattue pour pouvoir  respirer ; quand on est arrivé, les infirmiers sur place nous ont fait savoir qu’il n’y avait pas d’oxygène aux Urgences. Quelqu’un est parti arracher la bouteille qu’il y avait dans l’ambulance mais elle était vide », a témoigné la mère de Chazna dont c’était l’unique enfant, dans un souffle, les mains nouées.

« Cela fait longtemps qu’il n’y a pas d’oxygène aux Urgences »

Hôpital aux Comores ( image d'illustration)

A la question de savoir si effectivement les Urgences de l’hôpital de Mitsamihuli était dépourvues d’oxygène, la réponse du médecin chef , Mohamed Djounaid est « oui, nous avons juste un extracteur mais il n’est pas adapté aux cas compliqués ». Il soutient en revanche que «  très vite, nous avons mis la fillette sous oxygène grâce à la bouteille qui se trouvait dans l’ambulance ». Version démentie catégoriquement par la mère de Chazna : «c’est faux, d’ailleurs il n’était pas sur les lieux, aucun médecin n’était présent sur les lieux».

Hôpital des Comores (Image d'illustration)

Toujours est-il que  le médecin chef a jugé utile de préciser que

cela fait un bout de temps qu’il n’y a pas d’oxygène aux Urgences 

Pourquoi n’avoir pas cherché à solutionner ce problème qui peut avoir des conséquences dramatiques, et c’est le cas de le dire? « Nous en avons fait la demande, il y a un petit moment mais nous n’avons rien reçu ».

Contact est pris avec un gros bonnet du ministère de la santé pour comprendre pourquoi les Urgences de Mitsamihuli étaient dépourvues d’oxygène, lequel a assuré «  ne pas être au courant de ce problème ».  Il s’est d’ailleurs empressé de filer la patate chaude à la directrice régionale de la santé que nous avons joint au téléphone . « Nous n’avons jamais reçu de demande d’appui en oxygène, c’est faux  », s’est-elle écriée. Et de se demander, «  pourquoi le personnel soignant n’a  pas transféré directement la fillette à l’hôpital de Moroni, puisqu’il y avait une ambulance ‘médicalisée’ sur place ? ». Sauf que de l’avis des parents, la bouteille était vide.

A la lumière des différentes interventions, il est clair qu’une enquête doit être ouverte ne serait-ce que pour situer les responsabilités des uns et des autres. « En attendant l’enquête administrative (…), nous demandons la suspension immédiate des responsables de cet établissement jusqu’à ce que la lumière soit faite sur cet énième incident qui a conduit à la mort d’un enfant » a réagi le Comité Adina dans un communiqué publié ce lundi. Pour mémoire, le chanteur Adina est décédé en novembre dernier dans « des conditions quasi similaires » aux Urgences d’Elmaarouf,  l’hôpital de référence situé à Moroni.