"On est épuisé", au centre hospitalier de Mayotte, les soignants disent leur frustration et leur souffrance au ministre de la Santé

Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, échange avec les soignants du CHM, en première ligne depuis le passage du cyclone Chido
En dehors du programme initial de la visite, le ministre de la Santé Yannick Neuder s'est rendu au centre hospitalier de Mayotte pour constater les dégâts causés par le cyclone Chido et rencontrer les soignants mobilisés depuis 16 jours. Ils n'ont pas mâché leurs mots pour exprimer leur souffrance.

Après la visite de l'hôpital de campagne au stade de Cavani, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a quitté la délégation menée par le Premier ministre François Bayrou pour se rendre au centre hospitalier de Mayotte, à la rencontre des soignants mobilisés depuis 16 jours, depuis le passage du cyclone Chido. Une médecin urgentiste refuse de serrer la main du ministre. "J'ai du gel d'échographie sur les mains, mais on n'a plus rien pour l'essuyer, il n'y a plus de papier", explique-t-elle sobrement.  

"Avant le cyclone, on était déjà en sous-effectif"

Plus loin dans le couloir, plusieurs médecins l'attendent. "Même s'il n'y avait pas eu le cyclone, on était déjà en sous-effectif", explique un soignant. "C'est difficile de compter les effectifs car on en a qui sont partis, on a quelques arrivées de la réserve sanitaire, mais pas beaucoup." Le ministre de la Santé a répondu "travailler sur plan d'attractivité pour renforcer cette présence médicale à Mayotte et pouvoir vous soulager", en mobilisant notamment les médecins mahorais présents dans l'Hexagone. "J'espère revenir d'ici quelques mois pour voir les applications de ça", ajoute Yannick Neuder.

Les soignants du CHM ont fait savoir leurs difficultés au ministre de la Santé, Yannick Neuder

"On est vraiment épuisé, on enchaîne des gardes de jour et de nuit, on s'est organisé entre nous pour des rotations car on a attendu beaucoup de la réserve sanitaire. On nous disait toujours 'c'est demain', mais on ne les a toujours pas vus", renchérit le médecin. "Les paramédicaux aussi sont épuisés", ajoute l'une des collègues. L'arrivée de l'hôpital de campagne le mardi 24 décembre n'a pas soulagé ces professionnels. "Il est arrivé dix jours après le cyclone, c'était trop tard", reprend le jeune homme. "Toutes les personnes affectées par le cyclone on les a eus, maintenant, il draine un peu de malades, mais c'est de la médecine conventionnelle et ils font peu de post-cyclone j'ai l'impression."

"On arrive à faire venir des journalistes, mais pas des médecins"

"Il faut des hébergements pour les infirmières qui viennent soutenir, je sais que c'est compliqué", plaide l'infirmière référente. Yannick Neuder a évoqué les difficultés liées à la fermeture des liaisons commerciales par avion. "Cela dit on arrive à faire venir des journalistes, par contre on n'a pas de médecins. Ça fait mal", réplique une médecin. "On est en train de les recenser, on a une centaine de professionnels de santé et on est en train de voir comment les faire venir", explique le ministre. Pour les agents du CHM, cela parait trop peu trop tard. "On avait une chambre vacante jusqu'à aujourd'hui, on a trois appartements inoccupés", lui répond une soignante. 

Le ministre de la Santé était accompagné du directeur de l'ARS, du CHM, mais aussi de l'ancien ministre de la Santé François Braun.

Autre problème soulevé par l'infirmière : le manque de matériel, prenant pour exemple la pénurie de gobelets pour les prélèvements d'urine des patients. "Faites-moi une liste", répond le ministre de la Santé, entouré du directeur de l'hôpital et du directeur de l'ARS, ajoutant que "des hypothèses" seront présentées par le Premier ministre François Bayrou d'ici la fin de la journée. 

Des renforts "bloqués faute de logistique"

Anonymement, une soignante confie "avoir alerté deux jours avant le cyclone l'administration du CHM de la nécessité de se préparer à cette situation exceptionnelle." Selon elle, "les renforts sont arrivés dix jours plus tard, bloqués à La Réunion faute de logistique et de disponibilité des logements" avant d'expliquer devoir déjà se débrouiller avec les logements disponibles entre soignants sinistrés. "Nous constatons un défaut de communication entre Mayotte, la métropole et le reste du monde sur la situation sur place, ce qui entraîne une réponse inadaptée." Face au manque d'eau potable et aux déchets qui s'accumulent, elle alerte "sur le risque d'épidémie de choléra face auquel nous manquons de moyens humains et matériels."

Des vaccins et des pastilles de potabilisation annoncés 

Les syndicats ont également déploré d'avoir été mis à l'écart avant et depuis le début de cette crise. "J'espère qu'on a été suffisamment écouté, nous avons pu donner un document pour le Premier ministre, j'espère que dans l'avion il pourra lire nos doléances", se désole Said Hassani, représentant du personnel. "Je trouve dommage qu'on ait été exclu de tout le système du début à la fin." 

Durant cette brève visite du CHM, le ministre de la Santé a annoncé que des vaccins antitétaniques et contre le choléra seront envoyés ainsi que des pastilles de chlore pour la potabilisation de l'eau. Des roulements seront organisés avec des soignants de l'Hexagone pour leur permettre de se reposer. Ces annonces devraient être précisées par le Premier ministre François Bayrou d'ici la fin de la journée.

Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, était aussi accompagné durant cette visite de l'ancien ministre de la Santé, François Braun, venu "à la demande du Premier ministre."