"Pendant 3 ans, personne ne l'a remarqué" : des victimes d'inceste, de viol témoignent

L'inceste et le viol à #Mayotte ou quand la parole des victimes se libère. Nicolas et Rasmina ont vécu l'enfer du viol et témoignent publiquement. ©Chafaanti Ali Baco et Géraldine Louis
L'inceste et le viol à Mayotte, des sujets aussi douloureux que tabous dans la société mahoraise où souvent le contexte inflige une double peine. Nicolas Puluhen et Rasmina Houmadi Oili, ont vécu l'enfer du viol et témoignent publiquement.

Nicolas a 50 ans, il est responsable de secteur pour un groupe d'intérim. Rasmina a seulement 18 ans et  est déjà chargée de mission pour une association pour des droits des enfants. Les deux n'ont a priori rien en commun, pourtant un drame les lie, celui du viol.

À l'âge de 13 ans, j'ai subi une agression sexuelle de la part de mon voisin. Pendant 3 ans, "personne ne l'a remarqué"

Rasmina

Dans mes souvenirs, ça a démarré dans la période de Noël, quand j'avais 5 ans. J'étais agressé par mon cousin qui avait presque 10 ans de plus que moi.

Nicolas

Rasmina a parlé de son viol 3 ans après les faits, mais c’est finalement en 2020 qu’elle portera l’affaire en justice. Car la première fois qu’elle a porté plainte, elle a été contrainte de la retirer face à la pression familiale.

D'un coup, tout le monde chez moi est venu me retrouver. C'était vraiment comme une oppression : "Qu'est-ce que tu as fait ? Q'est-ce que tu as été encore raconter ? Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi on est venu le récupérer ? Qu'est-ce que tu es partie dire encore comme mensonges ? "

Rasmina

La culpabilité de la famille, le déni est un poids supplémentaire pour les victimes. Après des années à noyer sa douleur dans les psychotropes, Nicolas a trouvé la force d’exorciser son mal être en écrivant un livre intitulé mon p’tit loup.

Ça me permet d'aborder l'auto-destruction, les addictions, l'amnésie traumatique, le déni, la reproduction de ce genre de faits... Tout ce phénomène qui fait que quelqu'un qui a subi un traumatisme aussi violent dans l'enfance, ne peut plus jamais vivre normalement.

Nicolas

Porter un masque pour mieux supporter la douleur et avancer, cette méthode n’a jamais fonctionné pour aucun des deux. Devenir soi-même a dû nécessairement passer par libérer sa parole de victime.

Il faut faire ce qui est bien pour soi. Si on veut aller en parler publiquement, c'est un choix qu'on aura fait. Mais vraiment, il faut en parler.

Rasmina

Moi je pense que si j'en avais parlé avant, je ne serais pas tombé dans toutes ces addictions qui rendent fou.

Nicolas

Nicolas ne peut plus porter plainte contre son agresseur. Le délai de 30 ans de prescription à partir de la majorité dans le cadre d’un viol est dépassé. Mais lui comme Rasmina acceptent désormais leur histoire. Ils sont la preuve que même en ayant vécu le chaos, il est possible de se reconstruire.