"Quand tu ne te sens pas en sécurité, tu te demandes si à un moment, il ne va pas arriver une connerie"

Hervé Brossier assure que la clôture des terrains de football et la présence de vestiaires diminuerait considérablement l'insécurité autour des arbitres.
Arrivé il y a 4 ans à Mayotte, Hervé Brossier est un membre actif de la commission régionale d'arbitrage à la ligue mahoraise de football. Dimanche, il s'est rendu avec ses collègues arbitres sur la place de la République à Mamoudzou, pour rendre hommage à Ismaël Bacar, ce jeune arbitre sauvagement agressé à Combani, alors qu'il revenait de sa belle-famille à Acoua. L'occasion de parler de l'insécurité qui touche les arbitres sur les terrains de football, mais aussi des solutions pour améliorer le football mahorais.

Qu'est ce qui vous a amené à vous engager auprès de la ligue mahoraise de football ?
HB : J'ai eu de belles années dans l'arbitrage et j'essaie maintenant de faire partager mon expérience, puisque je viens de passer un diplôme de formateur d'arbitrage.
Je peux donc aider et je suis à la disposition de tous, pour apporter en cas de besoin une certaine expérience pour faire évoluer dans le bon sens le football mahorais et surtout l'arbitrage.
J'essaye d'apporter mon avis. je ne dis pas que j'ai raison ou tort, mais je peux donner un avis vu de l'extérieur en comparaison avec ce qui se passe.

Que manque-t-il au football mahorais et notamment à l'arbitrage pour aller plus loin ?
HB :
Le grand manque pour le moment, c'est l'état des terrains. Il manque surtout la protection des arbitres. La plupart des terrains ne sont pas protégés comme en métropole. Là-bas, vous avez une main courante qui est fermée, ce qui permet aux gens d'arbitrer sereinement et de ne pas être à les merci des gens qui sont extérieurs.
Pour éviter les envahissements de terrain. C'est à mon avis, le gros chantier pour le futur.

Clôturer les terrains de football, chantier prioritaire

Y-a-t-il d'autres manques ?
HB : Oui, au niveau des infrastructures. A Mayotte, il n'y a pas de vestiaires. Donc c'est difficile quand vous arrivez et que vous vous demandez comment et où vous allez vous changer. Finalement, on se change sur le banc, au milieu de tout le monde.
Et après, s'il y a des incidents ou des trucs d'après match, on n'est pas protégé. Si vous avez un vestiaire, vous avez de quoi faire. Vous pouvez attendre à l'intérieur, car vous êtes protégés. On est serein, donc ça c'est un gros travail à faire.

Concernant les pelouses, on y arrive peu à peu, puisqu'il y a quelques terrains en synthétique. Ici, le synthétique, c'est l'idéal. Vu le climat, avec la saison des pluies et la saison sèche, avec les terrains de dernière génération, vous pouvez jouer 365 sur 365. Il suffit de le drainer proprement et là, vous avez vos terrains toute l'année, avec un entretien minimum. C'est sûr qu'à la construction ou à l'achat, c'est un peu cher. Mais il existe des aides et notamment celles de l'Europe. Et c'est l'avenir, quand vous aurez ces terrains-là, vous ne serez plus embêtés par les flaques en saison des pluies.

Comme à Combani, les causeries des entraîneurs à Mayotte se font souvent à même la pelouse, faute de vestiaires.

Quels sont les autres avantages de ces terrains synthétiques ?
HB : Ils sont intéressants du point de vue technique et du jeu. cela élèvera encore plus le niveau technique. 

Quand les joueurs mahorais partent en métropole, ils sont en difficulté par rapport aux autres. Eux, ils sont avantagés techniquement. Il faut donc avoir ces terrains pour aller de l'avant.

L'insécurité est présente partout dans l'île. Que préconiseriez-vous, avec votre expérience ?
HB : La première chose est de clôturer tous les terrains. Je viens de la Méditerranée et de la Corse, des ligues très très chaudes, surtout dans les quartiers de Marseille. Il y a une dizaine d'années, ils ont décider de clôturer tous les terrains. Et tous les problèmes ont été réduits par 10.
Tous ces problèmes qui amènent les gens à pénétrer sur le terrain, à rendre les arbitres en insécurité, parce qu'ils ont cette pression. Nous sommes des hommes. Nous sommes comme tout le monde. Quand tu ne te sens pas en sécurité, tu te demandes si à un moment, il ne pas arriver une connerie.
Il y a eu quelques graves incidents cette année et il faut vite faire quelque chose. Sinon, plus on va aller et vu la conjoncture actuelle, plus nous aurons du mal à nous déplacer.

La sécurité, un travail de longue haleine

La voiture du jeune arbitre Ismael Bacar a été complètement détruite par ses agresseurs.

Vous faites référence à l'agression de votre collègue Ismael Bacar sur la route à Combani ?
HB : Oui. Aujourd'hui, il y a des bandes de jeunes qui caillassent à tout va. pour un oui et pour un non. Notre jeune collègue s'est fait attaquer à 4 h du matin sur la route. C'est une agression gratuite et crapuleuse. En plus, c'est un petit gars qui a de l'avenir. C'est un jeune arbitre qui justement rentre dedans, qui peut aller très loin et s'en sortir grâce à l'arbitrage. C'est incompréhensible ce qui lui est arrivé.
Nous nous sommes réunis pour soutenir notre collègue. Il fait partie de la famille. Qu'est-ce qui me dit que dans cette agression, parmi tous les gens qui l'ont agressé, il n'y en a pas un qui l'a reconnu en tant qu'arbitre ? On peut se poser les questions au vu du contexte et au vu des pressions que subissent les arbitres aujourd'hui.

Mais, on ne peut pas demander à chaque fois à la gendarmerie ou à la police d'être présents tous les dimanches sur le terrain pour éviter les problèmes. C'est difficile, c'est un travail de longue haleine, de dirigeants, des municipalités, de la police et de la gendarmerie. Mais il faut que tout le monde aille dans le même sens et que l'on sécurise d'abord tous les terrains.