Alors que la rentrée scolaire s'annonçait compliquée et incertaine à Mayotte après le passage du cyclone Chido, de nombreux parents ont fait le choix de scolariser leurs enfants en dehors du département. C'est le cas de Manaoufaya, elle est partie le 15 janvier avec ses deux enfants de 10 et 5 ans pour les inscrire à La Réunion. Un mois plus tard, ses deux gamins planchent toujours sur des cahiers de vacances avec leur grand-mère, qui habite à Saint-Denis.
Le Défenseur des droits et le tribunal administratifs saisis
"Je n'ai eu aucune nouvelle, j'étais toujours obligée de les solliciter pour savoir où en était la demande d'inscription", se désole celle qui a fini par perdre patience. Cette mère a saisi le Défenseur des droits et le tribunal administratif en référé pour demander la scolarisation de ses enfants dans la commune. "Ma mère habite à Saint-Denis, j'ai grandi à Saint-Denis et je suis née à l'hôpital de Bellepierre, mes enfants aussi", détaille Manaoufaya. "À aucun moment je ne pensais avoir de telles difficultés pour les inscrire dans un département français. On a l'impression d'être devenus des étrangers."
Selon elle, malgré les quatre écoles à proximité, la municipalité procède toujours à des vérifications, une assistante sociale s'est notamment rendue au domicile de sa mère. "Je peux comprendre que les procédures sont longues, mais ça va faire un mois", s'impatiente celle qui est également enseignante à Kani-Kéli. "Les classes surchargées, on connaît à Mayotte, mais ça ne décharge pas d'une inscription, la municipalité ne peut pas refuser une inscription pour cette raison." Sa mère lui a suggéré la solution de les inscrire dans une école privée, impensable pour la professionnelle de l'Education nationale. "Et payer 1.200 euros pour les deux, dans un département français ?", s'étrangle-t-elle.
La municipalité de Saint-Denis se défend en expliquant faire primer les intérêts et la sécurité des enfants. Si au moins l'un des parents ne réside pas dans la commune, la mairie mène une enquête sociale. Une démarche qui n'est pas une obligation légale, mais qui vise à "garantir que l'enfant a un parcours scolaire sécurisé", assure Johnny Dennemont, le directeur général adjoint des services. "Notre volonté est que les enfants puissent être pris en charge correctement." Sur les 107 demandes reçues par la municipalité, une quarantaine de dossiers ont pu être traités pour le moment.
De son côté, le rectorat de La Réunion indique avoir reçu 700 demandes d'inscription d'élèves mahorais. Si dans le premier degré, c'est la responsabilité des communes, pour les collèges et lycées, l'administration indique avoir actuellement une cinquantaine de dossiers en attente sur 374 demandes. "Toutes les demandes sont traitées et les élèves affectés selon les places disponibles", indique le service communication du rectorat. "Cela se fait de sorte à ne pas dégrader les conditions d'accueil actuelles."
Les députées mahoraises interpellent l'État et l'Assemblée
Cette mère n'est en tout cas pas la seule à s'impatienter en voyant les semaines de scolarité défiler. La députée de Mayotte Anchya Bamana et son collège réunionnais Joseph Rivière ont adressé un courrier au Premier ministre. Les deux élus RN dénoncent un refus d'accueillir les enfants mahorais à La Réunion, mais aussi des freins dans l'accès aux soins des Mahorais sur l'île Bourbon. "Nous vous demandons instamment de dénoncer ces pratiques et de tout mettre en œuvre pour qu'elles cessent", écrivent les députés. "L'État français nous a suffisamment rappelé que les Français sont chez eux partout en France, mais il est peut-être temps de le redire."
La question s'est aussi invitée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce mercredi 12 février, pour le vote du projet de loi d'urgence pour Mayotte. "Plusieurs remontées concordantes font état de la décision coordonnée des élus réunionnais de refuser d'inscrire les enfants français de Mayotte à la Réunion, je vous demande de rappeler à ces élus la loi et de mettre fin à ces discriminations", affirme l'autre députée de Mayotte, Estelle Youssouffa. Ces accusations tranchent avec les témoignages de parents mahorais, qui s'étonnent au contraire de la facilité avec laquelle ils ont fait scolariser leurs enfants dans l'Hexagone. Le gouvernement s'était engagé à faciliter la scolarisation des élèves en dehors du département sinistré, en mettant notamment en place une aide au transport aérien. Le ministère de l'Education nationale a également annoncé l'annulation des épreuves écrites du bac, du brevet, de CAP et de BTS, les conditions d'étude à Mayotte ne permettant pas de les préparer convenablement.