"On m'a accueillie les bras ouverts" : après Chido et Dikeledi, des élèves mahorais ont rejoint l'Hexagone pour poursuivre leur scolarité

Photo d'illustration d'un élève.
Face aux écoles en partie détruites par le cyclone Chido et au manque d'enseignants, des parents mahorais ont fait le choix d'inscrire leurs enfants dans l'Hexagone pour qu'ils puissent avoir leur brevet ou leur baccalauréat. Au prix, parfois, d'une séparation très difficile.

Chido et derrière la tempête tropicale Dikeledi ont laissé Mayotte meurtrie, et les écoles n'y ont pas échappé : une quarantaine d'entre elles nécessite des travaux et ne peut pas accueillir d'élèves. Une difficulté à laquelle s'ajoute le manque d'enseignants. Traumatisés par la violence de l'événement ou la perte leur logement, certains sont partis, d'autres sont restés mais n'imaginent pas reprendre le travail.

Un constat qui a poussé Tify à envoyer ces deux plus jeunes enfants dans l'Hexagone. Cette mère de famille mahoraise travaille à la préfecture de Mayotte. "Quand j'ai vu ce qu'il s'est passé avec les profs qui sont partis, je suis allée au rectorat, j'ai vu que tout le monde était là, voulait partir, j'ai pris la décision", raconte-t-elle.

Elle est alors partie avec ses deux filles scolarisées en terminale et en troisième direction Toulouse où se trouve son aînée en études supérieures. "J'ai pris l'initiative de les installer parce que dans six mois, j'allais devoir revenir", explique-t-elle en référence à sa fille qui doit passer le baccalauréat en fin d'année et qui suivra ensuite des études dans l'Hexagone.

"Je les vois heureuses"

Dès son arrivée à Toulouse le 11 janvier, Tify a entamé les démarches pour les inscriptions scolaires : "J'ai expliqué que le rectorat de Mayotte m'envoyait, on m'a accueillie à bras ouverts. On m'a demandé si moi ou les enfants, on voulait voir un psychologue ou une assistante sociale."

Accès à la cantine, cartes temporaires pour les transports en attendant que leur dossier soit validé au Conseil départemental, tout a été très rapide. "La petite a même passé déjà le brevet blanc", se réjouit-elle.

Le plus compliqué a été de trouver un appartement pour elle et ses filles, mais c'est désormais chose faite. "J'ai pris un appartement à mon nom, la grande sera là avec les petites et je ferai les aller-retour entre Toulouse et Mayotte, poursuit Tify. J'ai un travail stable à Mayotte, je ne vois pas quitter mon pays."

Surtout, elle n'est pas angoissée à l'idée de laisser ses filles qui semblent très bien s'adapter. "Ça se passe bien car elles ont l'habitude de venir en vacances chez leur grande sœur, elles ne sont pas perdues, constate Tify. Je les vois heureuses, épanouies, ça me va."

"La fille avait peur"

Un changement que d'autres enfants ont davantage de mal à gérer. C'est le cas des jeunes qu'accueille Chaharzade à Meaux. Cette Mahoraise vit dans l'Hexagone depuis 2009. Quelque temps après le passage de Chido, elle a proposé à la cousine de son mari d'accueillir ses enfants, une fille de 15 ans et un garçon de 12 ans.

"La fille angoissait à l'idée de venir en métropole, ce n'était pas son choix, elle avait peur de prendre le bus, se souvient-elle. J'ai tenté de la rassurer en lui expliquant qu'elle serait dans le même lycée que mon fils."

Elle et son frère sont arrivés dans l'Hexagone le 11 janvier et, comme pour les enfants de Tify, les inscriptions ont été rapides même si des documents manquaient "car beaucoup de choses étaient détruites dans les écoles, il n'y avait pas les certificats de scolarité, les bulletins scolaires". Des fournitures scolaires leur ont également été proposées. "Vraiment, il y a eu une solidarité", insiste Chaharzade.

Deux semaines après leur arrivée, l'intégration se fait "petit à petit". S'il y a beaucoup de travail notamment pour la lycéenne, "on a mis une organisation à la maison pour les aider, détaille la mère de famille dont la fille est à l'université et le fils en terminale. Ma sœur aussi qui passe à la maison les aide un peu."

Mais psychologiquement, "la situation n'est pas du tout facile", reconnaît-elle. Car au-delà du traumatisme de Chido, il y a ce changement de vie brutal et pour les enfants "qui n'ont plus de repères", et pour leurs parents qui doivent "laisser leurs enfants".

Notre travail, c'est de les rassurer et de leur montrer qu'on est là pour eux car ils sont dans le bouleversement et le traumatisme même s'ils ne le disent pas.

Chaharzade

Mère de famille qui accueille deux Mahorais

"C'est compliqué à La Réunion"

Se séparer de sa fille, Nadia s'y est refusé dans un premier. Partie de Mayotte pour La Réunion le 11 janvier, elle a tenté d'inscrire son enfant en troisième dans un collège dès la rentrée le 21 janvier dernier.

"La proviseure m'a dit que personnellement, elle n'a pas de problème pour la prendre vu ses notes, retrace-t-elle. Seulement, elle n'a plus le droit de le prendre tout de suite, il faut que ça passe par le rectorat de La Réunion."

Depuis, elle attend une réponse du rectorat. "Ce (vendredi) matin, je n'avais toujours pas de nouvelle, se désespère-t-elle. C'est compliqué à La Réunion et ça me désole beaucoup."

Hors de question néanmoins de ramener sa fille à Mayotte, surtout après avoir vu la situation à Labattoir où elle est scolarisée. "Le collège est dégradé, tous les professeurs sont partis, une bonne majorité en tout cas, pointe-t-elle. Même si le collège est ouvert, ils auront des cours une ou deux fois dans la semaine, mais les autres jours, on fait comment avec un enfant qui prépare le brevet ? On ne peut pas."

Avant, il n'y avait pas des professeurs tout le temps, maintenant ça va être pire. Donc pour éviter un retard énorme et ne pas faire vivre ça à ma fille, j'ai préféré la faire sortir de Mayotte.

Nadia

26 Mahorais attendus à Bordeaux

Elle envisage désormais de l'envoyer dans l'Hexagone, à Drancy, où vivent déjà ses deux garçons. "Il y en a un qui travaille et un étudiant, ils habitent ensemble dans une maison avec une chambre de libre donc ils pourront accueillir leur petite sœur, précise Nadia. Je voulais qu'elle soit à La Réunion tout près, mais vu comment les choses évoluent, je pense que je vais la faire partir." Le temps presse pour elle car elle doit reprendre son travail à Mayotte mercredi prochain.

Le recteur de la Réunion, Rostane Mehdi, a annoncé ce lundi 20 janvier que ses services comptabilisaient à ce jour 250 demandes d’inscription en provenance de Mayotte, qui compte en tout 117 000 élèves.

Côté Hexagone, quelques données commencent à remonter : l'académie de Paris recense actuellement trois élèves mahorais scolarisés, un au lycée et deux au collège. 26 enfants vont être accueillis prochainement dans l'académie de Bordeaux en provenance de Mayotte. 24 d'entre eux sont scolarisés dans le second degré et les deux autres dans le premier degré.