Mayotte fait partie des départements de France dont les infrastructures routières sont restées quasi les mêmes depuis maintenant plusieurs années. Alors que le parc automobile ne cesse d'accroître, aucun projet englobant toute l'île n'a été mis en place pour répondre aux besoins du développement de l'île. Si aujourd'hui, nous connaissons les causes et les conséquences des embouteillages monstres à Mayotte, les décideurs devraient pour le futur, s'inspirer de ce qui se fait ailleurs et qui marche afin de l'adapter à l'échelle du 101ème département.
La nouvelle route du Littoral de la Réunion, l'une des plus complexes du monde
En termes d'infrastructures révolutionnaires, l'île Bourbon s'est dotée il n'y a pas longtemps de la route du Littoral. Elle est l'un des chantiers majeurs réalisés en France au moment de sa construction et elle facilite depuis sa mise en service totale début 2023 les déplacements des habitants entre Saint-Denis, et le port de commerce de l'île à une vingtaine de kilomètres plus à l'ouest. Elle remplace ainsi l'actuelle route de corniche à 2X2 voies située au pied d'une falaise, tristement célèbre pour sa dangerosité. 12,5 kilomètres et presque entièrement située en mer, cette route, parallèle à la côte, permet en effet de s'affranchir des chutes de pierres, mais aussi de la houle, puisqu'elle s'élève entre 20 et 30 mètres au-dessus du niveau de la mer. 70 000 véhicules circulent quotidiennement sur cette route dont la durée de vie minimale est prévue pour 100 ans. Tout comme le viaduc de la grande ravine (l'un des quatre ouvrages exceptionnels de la route des Tamarins, reliant les villes de Saint-Paul et l'Etang Salé), la route du Littoral permet de réduire les embouteillages et offre un confort de sécurité à ses usagers.
Un exemple à suivre pour Mayotte ?
Cela fait de nombreuses années que les habitants de Mayotte se plaignent des embouteillages. Au fil du temps, certains projets ont été abordés, notamment au Conseil départemental mais ils n'ont jamais concrètement abouti.
Un pont reliant la Grande Terre à la Petite Terre
Ce projet est plus que jamais indispensable depuis le passage du cyclone Chido ayant endommagé deux des quatre barges disponibles. Les liaisons maritimes entre les deux îles sont en effet compliquées. Entre les piétons, les voitures des particuliers, les motos et les voitures des secours, sans parler des camions de marchandises, la file d'attente est toujours interminable du côté de Dzaoudzi et de Mamoudzou.
Dès 2014, l'idée de relier la GrandeTerre à la Petite terre était pourtant déjà évoquée, un débat public avait été organisé pour mettre en œuvre ce pont de 1978 mètres, un projet estimé à l'époque à 200 millions d'euros. Et le conseil départemental l'assurait, cette nouvelle infrastructure ne marquerait pas la disparition pure et simple du STM, le service de transports maritimes. Mais force est de constater qu'il est resté au stade projet et probablement pour encore de nombreuses années.
Caribus, un projet en devenir
Soutenu et co-financé par l'Europe, il s'agit du premier réseau de transport collectif inter-urbain du territoire. Il s'agit surtout du projet sur le point d'aboutir. Caribus ambitionne avec ses 4 lignes de faciliter les déplacements des usagers du nord au sud de la communauté d'agglomération de Mamoudzou Dembéni. En plus de l'implantation d'un réseau de bus, c'est aussi l'aménagement d'un territoire avec de nouveaux espaces verts, des voies cyclables et de nombreuses zones piétonnes. Attendue depuis une décennie, la première ligne devait commencer à désengorger Mamoudzou dès le mois de janvier de cette année, mais c'était sans compter le cyclone Chido. Celui-ci a en effet perturbé les plans de la Cadema. Les feux de circulation installés dans le cadre du chantier ne fonctionnent plus. Et sans eux, il est impossible de faire circuler les bus sur la voie dédiée et leur permettre de franchir les intersections en toute sécurité. Quoi qu'il en soit, le projet est loin d'avoir été abandonné malgré quelques retards.
Le contournement de Mamoudzou a de fortes chances de voir le jour
Si l'on peut rencontrer des embouteillages partout sur l'île, la zone principale se trouve autour de Mamoudzou. La zone économique de Mayotte étant concentrée dans Kawéni, de nombreuses personnes prennent la route au même moment pour une même destination, d'où l'asphyxie de la zone Mamoudzou en raison de l'absence d'axes alternatifs ou d'itinéraires de substitution à l'axe routier RN1/RN2. Ce boulevard urbain de Mamoudzou prévoit quatre voies, deux classiques et deux autres pour les bus et les conteneurs. Un projet évalué à près d'un milliard d'euros divisé entre le département, l'Europe et l'Etat.
Mais pour que ce projet se fasse, il est primordial de régler le problème des aménagements des voies pénétrantes, depuis ce contournement vers les quartiers. Mais le nerf de la guerre reste l'argent puisque cela va se calculer en millions d'euros. Les travaux devraient commencer cette année. La Commission nationale du débat public a rendu son rapport définitif au sujet de la démarche entamée en ce sens. Elle a également distribué une note positive au conseil départemental de Mayotte sur la manière dont elle a mené le débat public sur ce projet en 2022.
Le train bleu ou "tréni bilé", rêve ou réalité ?
En 2021, le département, avait rêvé de ce projet de train bleu. Un rêve qu'il compte transformer en une réalité à l'horizon 2024 avec la mise en place du transport ferroviaire sur l'île. Cela était en tout cas le souhait des élus. L'idée étant de pouvoir rejoindre Mamoudzou en moins d'une demi-heure depuis les extrémités nord et sud de Mayotte. Les élus veulent ainsi réduire les effets négatifs de la circulation automobile et par la même occasion limiter l'emprise foncière et la pollution atmosphérique. Une liaison Kani-Keli Mamoudzou prendrait par exemple 20 minutes. Mais pour que le projet devienne réalité, il faudra du temps. Trois ans de phase d'études et de débat public. Cinq ans pour réaliser le premier tronçon reliant Longoni à Dembeni et enfin 10 ans supplémentaires pour développer le réseau complet. Soit trois mandats au moins pour les conseillers départementaux. Le réseau ferait le tour de l'île et compterait au final 132 km, y compris en Petite Terre (ce qui implique forcément la construction d'un pont ou d'un tunnel). Le coût du projet est estimé à 1 milliard d'euros.
À l'annonce de ce projet, beaucoup de Mahorais ont exprimé leur scepticisme. Eux qui attendent toujours la construction de la piste longue de l'aéroport de Pamandzi par exemple. Certains, à l'époque estimaient même que le train est un investissement lourd et que le tramway serait peut-être plus adapté.
Pour rappel, le projet de train bleu mahorais a été inspiré par le rail corse. Pour preuve, en 2022, trois représentants du département de Mayotte avaient parcouru plus de 7000 km pour observer ce modèle de transport ferroviaire insulaire, piloté par la société anonyme d'économie mixte locale, Les Chemins de fer de la Corse (CFC). Une visite de deux jours au départ de la gare de Bastia pour comprendre le fonctionnement de cette entité inédite, visite durant laquelle s'est exprimée Maymounati Moussa Ahamadi, la conseillère départementale de Dzaoudzi-Labattoir auprès du journal Corse matin."Même si les situations corse et mahoraise ne sont pas en tout point comparables, elles présentent beaucoup de similitudes en raison de l'insularité. Ce projet ferroviaire est pour nous une nécessité face à l'asphyxie de notre réseau routier et nous avons besoin du retour d'expérience de la Corse."
Des liaisons maritimes
Des liaisons maritimes Mamoudzou-Iloni et depuis Longoni font aussi de la liste de projets du Département de Mayotte. Le but visé est de là aussi désengorger la ville de Mamoudzou, de réduire le temps de trajet et de sortir du système de la voiture individuelle. Ce mode de transport sera plus vertueux d’un point de vue environnemental. Il vise également à dynamiser l’activité économique autour de la mer. D'après le conseil départemental, pour relier Iloni à Mamoudzou et Longoni à Mamoudzou, des navettes d’une capacité de douze à vingt places auront pour mission d'assurer la liaison toutes les quinze minutes en heure de pointe et toutes les trente minutes le reste du temps. Une navette d’une capacité de cinquante places circulerait aussi. Ces liaisons seront prévues du lundi au samedi de 8h à 20 h. L’objectif étant de transporter 5.000 personnes par jour.
Que retenir de tous ces projets pour désengorger Mayotte ?
Train bleu, contournement de Mamoudzou, navette maritime...et si la solution à un changement radical était d'avoir la folie des grandeurs, en ne se mettant aucune barrière ? Et pour cela, il sera primordial pour toutes les collectivités de Mayotte, les services de l'Etat et de l'Europe de travailler ensemble afin de trouver les fonds nécessaires et mener à bien des projets qui dorment dans les placards depuis plusieurs années.