Que contient le projet de loi programme Mayotte présenté aux élus mahorais ?

Le ministre des Outre-mer Manuel Valls à la mairie d'Acoua ce mardi 31 décembre
Le projet de loi programme pour Mayotte a été présenté ce jeudi aux élus mahorais par le ministre des Outre-mer Manuel Valls. Le texte prévoit à ce stade 35 articles sur l'immigration, la sécurité, la convergence sociale ou encore le passage à un département-région.

C'est un texte attendu depuis plusieurs années par les élus mahorais et notamment depuis le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier : la loi programme Mayotte. Ce projet de loi, censé rattraper le retard de développement du territoire et lui permettre de se relever après la catastrophe, a été présenté ce jeudi 20 mars aux élus mahorais par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls. D'après la députée Estelle Youssouffa, le texte sera présenté en conseil des ministres fin avril avant un examen à l'assemblée nationale à la mi-juin. Le premier article concerne notamment l'approbation du rapport sur la refondation de Mayotte.

Immigration : un durcissement des conditions de séjour

De nombreux élus avaient déploré l'absence de la question migratoire dans le projet de loi d'urgence pour Mayotte. La loi-programme prévoit plusieurs mesures sur le sujet : pour obtenir la carte de résident comme parent d'enfant français, le demandeur doit être présent depuis au moins cinq ans sur le territoire, contre trois ans actuellement. L'obtention d'une carte de séjour au titre des "liens personnels et familiaux" sera aussi conditionnée à sept ans de résidence habituelle à Mayotte.

Pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses, le texte prévoit de centraliser les reconnaissances de paternité et de maternité par l'officier d'état civil de la commune de Mamoudzou. La durée de sursis pour ces demandes sera allongée de deux mois renouvelable à trois mois renouvelable si une partie de l'enquête est menée à l'étranger. En cas de reconnaissance frauduleuse, le montant de l'amende passera de 15.000 euros à 75.000 euros.

De nouveaux outils contre l'immigration clandestine

Pour lutter contre l'immigration clandestine, le dispositif d'aide au retour volontaire pourra être mobilisé "dans le cadre d'opérations ponctuelles d'incitation au retour." Un moyen notamment de faire face aux arrivées grandissantes de ressortissants d'Afrique des Grands Lacs. Durant la procédure d'éloignement, l'étranger accompagné d'un mineur pourra être placé "dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l’unité familiale" dont les caractéristiques seront déterminées par décret.

Si le préfet a déjà annoncé ces dernières semaines plusieurs dégradations de titre de séjour pour des parents de mineurs auteurs de faits de violence, le projet de loi prévoit la possibilité de le retirer "lorsque le comportement d'un étranger mineur constitue une menace pour l'ordre public." Enfin, pour les opérations de transferts de fonds en dehors du département, les établissements bancaires devront vérifier la régularité du séjour du client effectuant cette démarche.

Lutter contre l'habitat informel et les armes

Le projet de loi entend faciliter les opérations de décasages en permettant aux autorités d'ordonner l'évacuation des occupants dès lors que des habitats informels sont érigés sans titre et "forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d'assiette." Le délai de flagrance pour le constat d'une construction illégale est également passé à sept jours et n'ouvre pas dans ce cas de droit au relogement ou l'hébergement.

Pour lutter contre l'insécurité, le préfet pourra saisir le juge des libertés et de la détention pour autoriser la visite de "tout lieu dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics, aux fins de procéder à la saisie d’armes, ou d’objet habituellement utilisé comme telle." S'il s'agit d'un lieu enclavé, les forces de l'ordre peuvent traverser les habitations "aux seules fins de rejoindre le lieu visé par l'ordonnance." Cette mesure pourra également concerner des opérations de contrôle des sociétés.

Le passage à un département-région et la convergence sociale

C'était l'un des changements institutionnels promis dans la précédente loi-programme pour Mayotte : le passage à un département-région. L'assemblée de Mayotte sera constituée de 52 membres élus pour des mandats de six ans, en même temps que les conseillers départementaux. L'article 15 instaure en 2025 un recensement exhaustif de la population de Mayotte, pour mettre fin aux incertitudes à ce sujet comme l'avait annoncé le ministre Manuel Valls. Le texte confiera également au gouvernement l'autorisation de prendre des ordonnances pour parvenir à la convergence sociale, mais "sous réserve d’adaptations tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières du territoire." Une mesure est déjà actée en ce sens : l'extension à Mayotte de l'IRCANTEC, le régime de retraite complémentaire pour les agents contractuels de la fonction publique territoriale et hospitalière.

Des mesures d'attractivités des fonctionnaires sont prévues avec une bonification d'ancienneté pour les fonctionnaires. Ils pourront aussi bénéficier d'une priorité de mutation après au moins trois ans d'exercice à Mayotte.

Le retour de la question des expropriations

L'article 10 du projet de loi d'urgence pour Mayotte avait fait polémique avant d'être retiré, il prévoyait des dérogations pour faciliter les expropriations. Cette question fait son retour : l'article 20 prévoit que le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique peut se retranscrire par la saisie immédiate de tous immeubles bâtis ou non bâtis "dont l'acquisition est nécessaire aux opérations conduites" par l'établissement public chargé de la refondation de Mayotte. Cela concernera les "infrastructures essentielles pour le développement, le désenclavement et le bon fonctionnement des services publics de Mayotte ainsi que les opérations de construction de logement."

Le texte classe également l'intégralité du territoire en quartiers prioritaires de la ville, permettant le déploiement de dispositifs visant à le développer.

Reconstruire les collèges et lycées

La loi pour une école de la confiance, adoptée en 2019, prévoyait de pouvoir passer des marchés globaux de conception-réalisation pour la construction d'écoles, ce projet de loi étend cette mesure aux collèges et lycées pour faciliter et accélération la passation de marché. LADOM pourra également verser l'aide baptisée "passeport pour la mobilité des études" pour financer le voyage des Mahorais mineurs souhaitant suivre une filière technique ou professionnelle qui n'existe pas sur le territoire. Un dispositif qui existe déjà à Saint-Pierre et Miquelon. Un fonds de soutien sera créé pour le développement des activités périscolaires. 

Le projet de loi prévoit aussi de créer "un service civique d'urgence" : les personnes engagées dans un service civique pourront, si elles sont volontaires, voir ces modalités modifiées pour participer "à des missions visant à la protection des populations, à l'approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population." Sur le plan économique, les entreprises bénéficieront d'exonérations fiscales jusqu'en 2030 avec le déploiement de la zone franche globale, annoncée par le Premier ministre François Bayrou dans le cadre du plan Mayotte Debout.