Sentiment de vie chère

Octobre 2011, manifestation contre la vie chère à Mayotte
Ce week-end, un Facebooker a posté un statut montrant un pack de 6 bouteilles d’eau de source vendu 5,94 € dans une grande surface à Mamoudzou et 1,02 € dans une grande surface à Macon dans l’Hexagone. Ce pack coûte donc près de 6 fois plus cher à Mayotte.
Combien de nos compatriotes de l’Hexagone sursautent les premières fois qu’ils font leurs courses à Mayotte, en criant : « Ce n’est pas possible ! Mais ce n’est pas possible ! ». Et combien d’entre nous, en visite dans l’Hexagone, sommes surpris en entendant une caissière de supermarché annoncer : « 27 € ! » au moment où, par habitude, nous avions préparé 100 € pour payer ?
En 2011, pendant la grande grève contre la vie chère, un expert avait été dépêché de Paris et nous avait appris dans son rapport que, non seulement la grande distribution ne gagnait pas d’argent, mais qu’elle faisait carrément des pertes ! Et voilà qu’en avril 2015, l’INSEE a publié une étude montrant que la vie à Mayotte n’est que de 6,9% plus chère qu’en Métropole, bien moins chère que dans les autres DOM.
Nous devrions donc nous en réjouir. Un panier de biens de consommation qui coûterait 100 € en Métropole ne coûterait que 106,90 € à Mayotte. Le prix de 5,94 € à Mamoudzou pour un pack coûtant 1,02 € à Macon ne serait donc qu’une sorte d’illusion, un sentiment de vie chère, comparable au sentiment d’insécurité, en somme.
Mais attention, l’indice qui nous donne ce chiffre de 6,9% est un indice de Fisher, calculé comme la moyenne géométrique de l’indice de prix d’un panier de consommation métropolitain et de l’indice de prix d’un panier de consommation mahorais. Et on apprend quand même qu’à l’intérieur de ce panier de consommation métropolitain, les prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisés sont 42,2% plus élevés à Mayotte que dans l’Hexagone.
« Que 42,2% plus cher ? Que ça ? », allais-je m’écrier. Le pack de 6 bouteilles aurait donc dû coûter en moyenne 1,45 € au lieu de 5,94 € ! Et le prix du téléviseur ? De la voiture et de ses pièces de rechange ? Des matériaux de construction ? Du frigo ? Du billet d’avion ?
Dans le rapport de l’expert de 2011, il était mentionné que la nourriture du Mahorais est faite de riz et de « mabawas » (ailes de poulet) et que ces mabawas étaient largement abordables pour les revenus des Mahorais. Mais bien sûr ! Adopter un panier de consommation de produits de pauvres, en mesurer l’indice, en faire une moyenne avec un indice métropolitain spécial Mayotte et le tour est joué. Le reste n’est que sentiment de vie chère, dans une ambiance générale de sentiment de pauvreté et de sentiment d’insécurité. 
Tous ces économistes qui ont travaillé sur la nutrition et la pauvreté avec leurs fameux indicateurs anthropométriques sur la santé et la productivité n’ont qu’à bien se tenir.