Médecin urgentiste depuis 2019, le Dr. Xavier Hubert a d’abord exercé en métropole avant de choisir l’outre-mer, passant par La Réunion et d’autres territoires avant de s’installer sur le long terme à Mayotte. “Ici on voit souvent des pathologies qui sont considérées comme rares en métropole, et l’accès aux soins étant plus limité, notre rôle prend une toute autre dimension.” Mais son choix de s'installer à Mayotte est aussi personnel, “J’aime la vie insulaire, le lagon, la plongée… Tout cela a pesé dans la balance.”
Un quotidien intense et une saturation croissante
À Mayotte, de nombreuses maladies infectieuses sont directement liées au climat tropical et aux échanges avec les pays voisins. Le Dr. Hubert avoue se retrouver "face à des pathologies qu’on a étudiées en théorie, mais rarement vues en métropole. Il faut un temps d’adaptation quand on arrive ici, mais comme tout, plus on en voit, mieux on sait les gérer.”
Décrire une journée type aux urgences de Mamoudzou est presque impossible pour lui. “Un jour, on gère un accident de la route, le lendemain un infarctus, une détresse respiratoire ou une femme enceinte en urgence. C’est cette diversité qui attire vers la médecine d’urgence.”
Si le personnel est présent, le service est sous tension depuis le passage de Chido. “On reçoit de plus en plus de patients qui devraient consulter un généraliste. C’est un phénomène national, mais ici, la situation est aggravée par le manque de professionnels de santé sur le long terme en dehors des urgences. Chaque année, il faut reformer de nouveaux médecins et infirmiers.” Au cours des semaines qui ont suivi le cyclone, le service des urgences a enregistré une fréquentation de plus 300%, une situation inédite pour l'unique service de Mayotte.
Des solutions mais des défis persistants
Pour désengorger les urgences, plusieurs projets sont en cours, comme l’agrandissement du service et le développement de structures de soins de premier recours. “Le dispensaire de Jacaranda augmente chaque année sa capacité d’accueil pour alléger notre charge de travail donc c'est un bon point", confie le docteur.
Mais selon lui, le principal problème reste l’hospitalisation des patients. “En métropole, on peut transférer un malade dans un autre établissement, dans un hôpital annexe. Ici, nous n’avons qu’un seul hôpital. À part pour les cas graves nécessitant une évacuation sanitaire vers La Réunion, nous devons attendre qu’un lit se libère donc en attendant nous le gardons aux urgences, ce qui fait que des lits restent occupés.”
Autre difficulté, l’absence de certaines spécialités médicales sur l’île. “Certains médecins ne sont présents que quelques jours par mois ou pendant quelques semaines, mais il y a un gros turn-over donc c'est une petite difficulté en plus par rapport à d'autres services des urgences. Le reste du temps, on travaille par téléphone avec des spécialistes réunionnais. L’idéal serait d’avoir toutes les spécialités en permanence à Mayotte, mais ce n’est pas le cas.”
Une insécurité limitée mais des tensions en intervention
Contrairement à d’autres hôpitaux en métropole, les urgences de Mayotte ne sont pas marquées par une insécurité constante. “Les patients sont souvent très reconnaissants et respectueux. On n’a pas besoin de présence policière permanente comme j'ai pu voir dans d'autres hôpitaux de métropole.”
En revanche, lors des interventions en dehors de l’hôpital, la situation peut être plus tendue. “Quand on se rend dans certaines zones de nuit, où les pompiers et la police sont déjà sur place, la tension est parfois palpable. Mais jusqu’à présent, cela n’a pas eu de conséquences graves pour les soignants.”
Autre difficulté, le cyclone Chido a mis en lumière les défis logistiques de l’insularité. “Avant le cyclone, nous n’avions pas de problème majeur d’approvisionnement. Mais après, il a fallu relancer en urgence des commandes de médicaments et de matériel.” Malgré cela, les urgences ont tenu bon. “Quand je suis revenu juste après le passage du cyclone, j’ai trouvé un service qui fonctionnait presque normalement, grâce à l’anticipation et l’organisation de mes collègues.”
Après plusieurs années à mi-temps, le Dr. Hubert vient de signer un contrat à temps plein. “Je me projette sur les prochaines années ici, avec l’envie de m’ancrer davantage.” Malgré les défis, il reste attaché à Mayotte et à son rôle dans ce système de santé sous tension.