Une femme de chambre vise un siège de députée

Rachel Keke
Nos parlementaires sortants sont pour la plupart des hauts cadres du public ou du privé, ou des professions libérales. On retrouve la même composition sociale chez les candidats. Mais il y a des exceptions. Une candidate d’origine immigrée, employée comme femme de chambre dans un hôtel, fait parler d’elle en région parisienne

Ses soutiens l’appellent « la guerrière », on dit qu’elle est « une tornade » et
que si elle est élue, « elle va faire trembler l’Assemblée Nationale ! » Rachel
Keke, 48 ans, est femme de chambre dans un hôtel Ibis où elle a mené une
grève dure pendant 22 mois, tenant tête au puissant groupe Accor. Ses
collègues disent que c’est grâce à elle qu’ils ont obtenu de meilleurs salaires et
conditions de travail. Elle touche maintenant 1700 euros, contre 1300 avant.
Originaire de Côte d’Ivoire Rachel a perdu sa mère à l’âge de 12 ans, s’occupant
de ses quatre petits frères et sœurs.

Elle a débarqué en France il y a un peu plus de vingt ans. Elle a été caissière de supermarché, coiffeuse à domicile, elle continue à faire le ménage dans les chambres d’hôtel tout en menant campagne investie par NUPES – la Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale - dans la 7 ème circonscription du Val de Marne. Sa détermination a convaincu le parti de Mélenchon… voix forte aussi, elle chante dans une chorale de gospel.

L’Assemblée Nationale s’est « embourgeoisée »

L’origine modeste de certains candidats n’est pas une exclusivité de gauche, on
en trouve aussi à l’autre extrême de l’échiquier politique. Ainsi le Rassemblement National a investi une aide-soignante dans le Gers : Alice Cendré 28 ans. Elle dit qu’elle veut agir sur le thème des déserts médicaux, un thème sur lequel elle est en première ligne. Ce sont là deux exemples, mais la grande majorité des candidats vient plutôt des milieux aisés.
Sur les bancs de l’Assemblée Nationale, la quasi-totalité des députés sont des
hauts cadres du public ou du privé. Médecins, avocats, professeurs forment le gros des troupes parlementaires alors qu’ils ne représentent que 10% de la
population française.
L’embourgeoisement de l’Assemblée Nationale s’est même accentué en 2017
avec l’avènement de la République en Marche, les nouveaux venus des rangs
macronistes sont en majorité issus des classes urbaines aisées exerçant des
professions intellectuelles. Il est vrai qu’il y a eu une forte augmentation de la
part des femmes et des élus d’origine immigrée, mais cela ne s’est pas
accompagné d’une mixité sociale, au contraire.

Autrefois, le parlement était plus « populaire »

On a l’exemple de 1936, le Front Populaire au pouvoir qui était certes composé
de beaucoup de professeurs mais aussi de syndicalistes ouvriers. Après la
libération, sous la 4ème République, on comptait 20% d’ouvriers et employés,
plutôt issus des partis de gauche, communistes en tête. Sous la 5 ème République
leur proportion est redescendue progressivement jusqu’à 4%.

Les partis de gauche se sont eux-mêmes embourgeoisés, leurs candidats étant presque tous issus des milieux enseignants, universitaires, médecins, avocats, architectes.
Il existe pourtant un dispositif pour permettre aux simples employés de se
présenter aux élections : la loi oblige un patron à accorder jusqu’à 20 jours de
congés, mais non rémunérés pour mener campagne, et à réembaucher le
salarié en priorité à la fin de son mandat s’il a été élu.