L’esclavage oriental, l’exemple de Mayotte
L’esclavage est au cœur de l’histoire mondiale. C’est une pratique multiséculaire qui touche de nombreuses civilisations, à toutes les époques. A partir du Moyen Âge, par exemple, le phénomène est tellement massif en Orient et dans les comptoirs islamisés du rivage de l’Afrique de l’Est qu’il est érigé en institution.
Aujourd’hui, cette vérité historique dérange. Par conséquent, il est pratiquement tabou de parler de l’esclavagisme arabe en terre d’Islam. Mayotte ne fait pas exception à cette règle. Notre île est même un cas d’école. « Non, l’esclavage n’a pas existé à Mayotte » entend-on, souvent, de la part de certains. Cette affirmation catégorique procède sinon de la méconnaissance en tout cas du déni mémoriel.
L’esclavage à Mayotte, une pratique importée
Les données éthologiques sur Mayotte ne font état pas d’une société esclavagiste avant le 16e siècle. Au contraire, l’organisation des populations vivant sur l’île est fort originale. Les habitants sont structurés en classes d’âge et sont tenus à la réciprocité. L’organisation en « shikawo » et le shungu consolident les liens d’égalité entre les individus. Ce modèle exclu, de fait, la présence d’esclaves.
Mais à partir de 1503, la migration des Arabo-shiraziens dans l’archipel des Comores renverse le système social égalitaire d’antan.
En effet, la tradition orale rapporte qu’à leur arrivée, ces derniers auraient été accompagnés d’un certain nombre de leurs esclaves. C’est une véritable césure sociale.
Le temps des bouleversements
Sous le sultanat, se met en place une société de type féodal par laquelle découle l’esclavagisme traditionnel mahorais. La société comprend, alors, 3 groupes fortement stratifiés : au sommet les makaɓayila (nobles), ensuite les wangwana (libres), et les warumwa (esclaves) au de l’échelle.
En 1843, ils sont estimés à 1.500 individus sur une population de 3.300 habitants. Les esclaves représentent une part non négligeable de la population de l’île. Au moment de l’abolition, le chiffre est finalement revu à la hausse soit 2733 individus.
Les esclaves à Mayotte
La traite négrière et l’esclavagisme ont introduit à Mayotte différentes ethnies depuis la grande île de Madagascar mais surtout la côte orientale d’Afrique. Parmi elles, on y trouve des Makuwa, des Washambara, des Wadigo, des Makonde, des Nyamwezi, des Yao, des Kamba, des Sakalava, etc.
Cette catégorie sociale est aussi connue sous l’appellation Washendzi, un terme dépréciatif qui veut dire « sauvages païens ». Certaines ethnies ont la préférence des acheteurs et des maîtres. Par exemple, les Makuwa sont réputés pour leur capacité à résister à la dureté, à la longueur des journées, bien sûr, mais aussi aux différentes maladies.
Aussitôt arrivé sur son lieu de déportation et d’asservissement, l’esclave est baptisé avec un sobriquet. Ensuite, la personne esclavisée est affectée à un métier.
A Mayotte, les déportés sont ainsi assujettis en tant qu’
- esclave agricole : c’est une catégorie qui regroupe les personnes affectées à l’agriculture. Elles sont employées dans les travaux de défrichement, de sarclage des champs, à cultiver le riz, le cocotier, les agrumes. Sinon, elles s’occupent des animaux.
- esclave domestique: c’est un groupe très répandu dans l’esclavagisme oriental. Les individus attachés à la domesticité vivent près de leur maître. Les hommes servent de gardien, de jardinier, de porteur, de compagnon de jeu, d’homme à tout faire. Quant aux femmes, elles sont cuisinières, nourrices, couturières, femmes de chambre, confidente ou encore concubine.
- esclave de mer : ces hommes sont la propriété de riches armateurs de boutres. Ils composent une partie de l’équipage et apportent leur concours dans les opérations de chargement et déchargement, aident à la navigation, enfin servent d’interprète sur la côte africaine.
- esclaves « à talents » c’est-à-dire des hommes, des femmes et des enfants possédant un savoir-faire particulier et recherché. Ces derniers sont exploités soit pour le compte de leur maître soit loué par leur maître à des employeurs moyennant indemnisation. Ils exercent dans des métiers divers et variés : maçons, potières, charpentiers, musiciens, etc.
- esclave sexuelle : c’est l’une des caractéristiques « originales » de l’esclavage oriental. Des jeunes filles et des jeunes femmes sont capturées afin d’assouvir l’appétit sexuel de souverains ou de riches propriétaires. Les victimes de cette forme d’esclavage portent le statut de suriya c’est-à-dire de concubines. Elles sont claustrées dans un harem (partie de la maison réservée aux concubines).
C’est un devoir d’histoire que sortir de l’ombre un esclavagisme dont la mémoire est réprimée, refoulée par la honte.