Alors que le salon de l'agriculture a refermé ses portes ce dimanche 3 mars, Mayotte repart avec trois médailles d'argent pour sa vanille et son miel. Des récompenses importantes pour valoriser et mettre en avant les produits locaux, même si les défis restent importants pour structurer et développer l'agriculture mahoraise. Le plan de souveraineté alimentaire signé en juillet 2023 entre la préfecture et le département a notamment fixé comme l'objectif le développement de la volaille et l'autonomie alimentaire pour les fruits et légumes et les œufs.
L'un des premiers freins pour développer la filière est le nombre important d'exploitations de petite taille, fragiles économiquement. D'après le dernier recensement agricole du ministère de l'Agriculture en 2020, Mayotte compte 4.312 exploitations, avec en moyenne 1,45 hectare de surfaces agricole. 36% sont situées dans les communes de Mtsamboro, Kani-Kéli, Tsingoni et Mamoudzou. La surface agricole utilisée, de 5.960 hectares, ne couvre que 16% du territoire. Les deux tiers sont consacrés aux cultures fruitières, principalement de bananes, et 20% à la culture de tubercules.
Comme dans le reste du pays, Mayotte est confrontée à un vieillissement de ses agriculteurs : 39% des dirigeants d'exploitations ont 60 ans ou plus. C'est notamment le cas dans le nord-ouest de l'île, 69% des agriculteurs à Acoua ont plus de 55 ans. Sur les 12.834 actifs dans le monde agricole, les chefs d'exploitations, les co-exploitants et les membres de leurs familles représentent la moitié des effectifs. Là aussi, 60% de la main-d’œuvre agricole est dédiée aux cultures fruitières, avec une disparité dans les besoins. S'il faut 1,6 équivalent temps plein en moyenne pour une exploitation de fruits, le double est nécessaire pour de l'élevage de porcs ou de volailles.
Le commerce informel
Autre enjeu : la difficulté d'assurer la traçabilité des ventes avec une grande part de commerce informel. Si dans le Nord, la quasi-totalité des ventes se font directement depuis l'exploitation, comme à Mtsamboro et Mtsangamouji, c'est l'inverse dans le Sud. A Bouéni, Kani-Kéli et Chirongui, les ventes en majorité lors de tournées en circuit court. A peine un peu plus de la moitié des exploitations ont des numéros SIRET.
La majorité des élevages sont consacrés aux bovins : avec un cheptel de 9.271 bêtes réparties dans 1.125 exploitations, dont un tiers se trouve à Bandraboua et Tsingoni. 133 exploitations sont dédiées à l'élevage de volailles, avec 163.563 bêtes, en majorité des poules pondeuses. Les coûts de production des viandes sont élevés faute de production locale de fourrage et d'aliments pour animaux, rivalisant avec ceux des produits importés. "Une production de ces filières pour des marchés de niche à forte valeur ajoutée est en revanche tout à fait envisageable pour satisfaire une partie de la consommation en produits festifs lors des évènements culturels ou une clientèle disposant de revenus supérieurs", note en revanche le plan de souveraineté alimentaire.
Les objectifs de ce plan en termes de production sont importants et ciblés. Pour atteindre de 100% de production locale d'œufs, il faudrait produire 30 millions d'œufs d'ici 2030 contre 20 millions en 2020. Pour les fruits, il faudrait produire 7.200 tonnes supplémentaires contre 10.000 en 2020. Enfin pour obtenir 10% de production locale de volailles de chair, il faudrait la multiplier par 10 : de 200 tonnes à 2.000 tonnes en une décennie.
L'une des principales difficultés consiste à assurer l'expansion de la filière et le renouvellement des générations. Il n'existe que quatre établissements avec des filières agricoles : le lycée agricole de Coconi et les MFR de Chirongui, Doujani et Mtsamboro. La moitié des porteurs de projets agricoles en 2022 ont plus de 40 ans et n'étaient pas éligibles à la dotation jeune agriculteurs. Pareillement, les trois quarts des porteurs ne disposent pas de la Capacité Professionnelle Agricole (CPA), qui donne accès à plusieurs aides. Des soutiens financiers pourtant indispensables, quand un quart des porteurs sont des demandeurs d'emploi sans ressource, selon le ministère de l'Agriculture.
Pour accompagner les agriculteurs mahorais, l'État et le conseil départemental misent sur les fonds européens agricoles. "Les projections montrent que l’enveloppe théorique de 6,1 millions d'euros attribuée à Mayotte est d’ores et déjà dépassée et qu’un besoin supérieur à 24 millions d'euros est attendu à horizon 10 ans.", estime les signataires du plan de souveraineté alimentaire.